Au Zoo Interplanétaire - 102

Merwan, fiévreux, était recroquevillé sur lui-même, la tête dodelinante, les yeux dans le vague, quand il crut reconnaître Zyxxx qui avançait entre les cages suivit de six autres Tappelniens qui avait la particularité d'avoir plusieurs tentacules rayés de rouges.
Sûr de délirer, il leva tout de même la main vers l'apparition et l'appela. Sa voix n'était plus qu'un filet.
Le Zyxxx illusoire se précipita vers sa cage et tenta d'écarter les barreaux pour le récupérer. Cependant, l'un des Tappelniens rayés lui demanda de patienter.
— Je n'ai attendu que trop longtemps déjà et il va mal...
— Nous avons été trop gentils de vous laisser nous accompagner.
Deux autres rayés firent interruption, poussant chacun une bulle transparente dans lesquelles flottaient respectivement le Tappelnien saumoné et le grisâtre. Ils furent contraints de donner les fréquences d'ouvertures des cages.
Toute la scène était trop belle pour être vraie, mais quand les tentacules de Zyxxx l'enveloppèrent enfin, chaudes et douces, Merwan comprit qu'elle était réelle.
— Je suis si heureux que tu sois là, murmura-t-il et soulagé d'être enfin sauvé, il ferma les yeux.
Il entendit vaguement Zyxxx refuser qu'un Tappelnien rayé ne le porte, puis sombra.

C'est comme dans un rêve qu'il se sentit baigné, palpé et nourri par Zyxxx.
Quand il émergea de cet étrange état de semi-conscience, il était seul, allongé sur la moelleuse couverture achetée par Zyxxx, sa tenue Pavoisienne pliée en guise d'oreiller. Cependant, il n'était pas dans la tour du Tappelnien, mais dans une pièce de forme hexagonale aux murs lisses. Où était Zyxxx ? Il se mit debout lentement, mal à l'aise et s'habilla.
Une paroi coulissa alors qu'il venait de finir, laissant passer un Tappelnien rayé de rouge.
— Tu es réveillé, c'est bien. Es-tu assez en forme pour répondre à quelques questions ?
Cela ne disait trop rien à Merwan que ce Tappelnien inconnu soit au courant de sa maîtrise de la langue, néanmoins il hocha la tête, puis se rappelant que Zyxxx était le seul Tappelnien à savoir ce que cela signifiait, il verbalisa son accord avant de demander où se trouvait Zyxxx.
— Tu auras ta réponse quand nous aurons les nôtres, répliqua le Tappelnien rayé.
Merwan n'insista pas davantage. Il n'en avait pas l'énergie.

Le Garçon fée, livre 1

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Les livres 2 et 3 sont en cours de correction. Ils sortiront dans les prochains mois.

Seul le livre 3 contiendra un bonus inédit.

En attendant, sachez que le livre 1 contient un texte corrigé et révisé. Ce sont des révisions mineures, mais qui, je pense, rendront la lecture plus agréable.

Résumé :

Les fées, c'est bien connu, sont de jolies femmes ailées. Ce n'est pas le cas de Zibulinion qui est né fée, mais qui a le double handicap d'être un garçon et de ne pas avoir un physique très avantageux. Voilà pourquoi il est désespéré quand il se retrouve contraint et forcé de quitter l'école normale pour celle des fées. Toutes ses camarades sont des filles (ou presque), et tous ses professeurs (ou presque), sont des femmes, toutes plus belles les unes que les autres.

Au Zoo Interplanétaire - 101

                                                    *
— Toujours rien ? demanda Wyvvv en câlinant d'un tentacule son forb qu'elle avait emmené avec elle.
— Aucune nouvelle, non. J'ai cherché à savoir si je pouvais faire quoi que ce soit pour accélérer l'enquête, mais on m'a renvoyé chez moi.
— Tu passes chez moi demain ? J'organise une petite soirée. Il y aura Yolll, Qattt, Kubbb...
— Non, je ne suis pas d'humeur, coupa Zyxxx.
— Ce n'est pas bon que tu te morfondes comme ça dans ton coin. Tu refuses toutes les invitations.
— Une autre fois. Et maintenant, laisse-moi, déclarant Zyxxx en la poussant dehors malgré ses protestations.
Il savait qu'elle cherchait à l'aider, que c'était également pour cela qu'elle était venue à l'improviste aujourd'hui, mais la seule compagnie qu'il souhaitait actuellement, c'était celle de Merwannn.
Chacun de ses amis avait essayé de lui faire entendre raison durant les quarante jours qui s'étaient écoulés depuis sa disparition.
— Tu avais une vie avant lui, avait fait remarqué  Makkk.
— Tu dois te préparer à l'idée que peut-être tu ne le reverras jamais, avait déclaré Kubbb.
— Sois patient, lui avaient conseillé Qattt et Yolll.
— C'est pour le mieux, avait assuré Jynnn, prouvant qu'il n'avait jamais fait que tolérer Merwannn.
Zyxxx, cependant, ne voulait pas se résoudre au pire.
Incapable de rester en place, il sortit dans la rue. Peut-être les autorités piétinaient, bloquées dans leur enquête, peut-être aussi ne faisaient-elles pas trop d'efforts, Merwannn n'étant pour elles qu'un animal.
Dans le premier cas, Zyxxx n'y pouvait rien. Dans le second, il pouvait encore agir. Il fallait que Merwannn soit retrouvé, il s'inquiéterait des conséquences après... Il ne voulait pas continuer à vivre dans l'incertitude de son sort.

                                                  *
Merwan toussa et fut pris de convulsions. Il avait beaucoup maigri et était si faible que faire un pas était une épreuve. Ce qui lui était donné à manger le rendait malade. Il ne le vomissait pas, mais durant la digestion, cela n'allait jamais.
Bolll avait acquis un nouvel animal – une splendide créature ailée au pelage d'un vert éclatant  – qui avait été installée à droite de la cage de Merwan si bien qu'il voyait passer le Tappelnien grisâtre, mais n'avait pas à le distraire. Bolll s'était désintéressé de lui, déléguant au Tappelnien saumoné à la tête presque ronde la tâche de nourrir Merwan qui s'était retrouvé à devoir subir ses coups de tentacules. L'alien saumoné ne frappait pas trop fort, mais toujours par surprise, ce qui était terriblement stressant.
Au zoo interplanétaire, Merwan n'avait jamais pu rêver que quelqu'un vienne le sauver, car même si un de ses amis ou parents en était venu à imaginer qu'il avait été enlevé par des extraterrestres, nul n'aurait été en mesure de venir le chercher, mais là, en dépit de ses souffrances, il s'accrochait à l'espoir que Zyxxx viendrait le libérer de cet enfer.

Au Zoo Interplanétaire - 100

                                                      *
Zyxxx s'était résigné à informer les autorités. Il avait souligné le côté unique de Merwannn acquis dans un zoo qui importait des créatures de planètes fort éloignées, sans dévoiler la vérité.
Sa plainte de vol avait dûment été enregistrée. L'appropriation du bien d'autrui n'avait rien de commun en Tappelnie. En revanche, au sein de l'alliance galactique, le trafic d'animaux fonctionnait à plein régime. C'était pour ça que dès le début, Zyxxx avait instauré la règle du silence afin de ne pas attirer l'attention sur Merwannn, mais depuis qu'il avait formé le nœud avec lui, il avait manqué de prudence.  Zyxxx regrettait, cependant c'était trop tard. Maintenant il n'avait plus qu'à attendre et espérer que les autorités identifient vite le coupable. Sans Merwan, il était comme coupé d'une partie de lui-même.

                                                     *
Merwan s'humecta les lèvres. Il avait la gorge sèche. Quand Bolll revint le visiter, il lui demanda à boire. Le Tappelnien grisâtre commença par insister pour que Merwan lui raconte une histoire avant, puis repartit finalement pour ramener une bouteille.
Dès la première gorgée, Merwan comprit que le stock volé chez Zyxxx s'était épuisé. C'était amer et aigre à la fois. Il avait toutefois trop soif pour faire le difficile, alors il but jusqu'à la dernière goutte avant de se lancer dans un récit cinématographique. Bolll, hélas, n'était pas  aussi aisément satisfait que Jannn et Pirrr et il ne se priva pas de l'interrompre pour réclamer autre chose.
Peu après que Bolll l'ait enfin laissé, Merwan se tordit de douleur. Son ventre le brûlait et sa peau se perla de sueur. Son supplice s'intensifiant, il s'allongea, le corps parcourut de violents tremblements. Il ne supportait pas le mélange préparé par Bolll.
Il vomit, puis eut une terrible diarrhée. A se vider ainsi des deux côtés, il crut mourir, mais finalement, cela se calma.
Quand Bolll le visita à nouveau, il était déshydraté, mais toujours bien vivant et la cage étant auto-nettoyante comme au zoo interplanétaire, il ne restait rien de l'épreuve qu'il avait traversé à part une légère odeur.
— Ce que vous m'avez donné, ne me convient pas, déclara-t-il d'une voix altérée, toujours couché sur le sol rugueux de la cage.
— Je peux t'offrir d'autres cocktails, répondit Bolll avec une telle promptitude que Merwan se dit qu'il devait avoir l'air dans un sale état.
Après un temps d'attente, Merwan put porter une nouvelle bouteille à ses lèvres. Cependant, même s'il était assoiffé,  il ne but que quelques gorgées de l'acide liquide. Il voulait s'assurer que cela ne le rendrait pas malade. Dans ses conditions, faire la conversation avec Bolll, était une torture, surtout que sans cesse le Tappelnien grisâtre se plaignait du manque d'intérêt de ce qui était raconté. Merwan finit par comprendre que l'alien n'aimait pas la fiction et était plus branché science et politique, ce qui n'était hélas pas du tout son truc.

Au Zoo Interplanétaire - 99

Zyxxx avait les tentacules en vrac. Il n'avait plus de suspect et pas l'ombre d'une piste si bien qu'il était dans une impasse. Chercher des témoins de l'enlèvement ? Mais comment ? Et pendant ce temps, Merwan était peut-être maltraité et mal nourri. Plus il tarderait à le retrouver, plus les probabilités qu'il ne meure augmentaient.
— Que comptes-tu faire ? demanda Zaddd.
— Je ne sais pas, avoua Zyxxx. Je suis vétérinaire, pas enquêteur.
— Je te conseillerai bien de lâcher l'affaire et de l'oublier...
Zyxxx souleva trois tentacules pour protester, mais Zaddd poursuivit :
— Seulement, je suis conscient que tu en es incapable. Aussi, à mon avis, tu devrais contacter les autorités.
Les tentacules de Zyxxx s'agitèrent dans tous les sens. Il y avait songé, mais ce n'était pas sans conséquence. La véritable nature de Merwannn risquait d'être découverte et au bout du compte, ils seraient séparés. La différence, c'est que les autorités feraient attention à sa santé, ce qui n'était pas forcément le cas de ceux qui détenaient actuellement Merwannn.

                                                     *
Merwan ne savait pas exactement depuis quand il était devenue « une pièce » de la collection privée du large Tappelnien grisâtre qui répondait au nom de Bolll. Dans ce zoo-là, nulle sonnerie stridente, nul ciel aux couleurs criardes et changeantes pour l'aider à mesurer le temps. Tout ce qu'il savait, c'est que cela ne faisait déjà que trop longtemps.
Bolll l'avait visité cinq fois depuis son réveil, mais il n'avait eu droit qu'à deux bouteilles comme repas qui, vu le goût familier, devait provenir de chez Zyxxx.
Merwan avait dû parler sans discontinuer de sa planète et répondre à toutes les questions du Tappelnien grisâtre.
Il se sentait un peu comme Schérazade dans les Mille et une nuits, excepté qu'il ne risquait pas la mort, mais le viol.
Hélas, en dépit des efforts de Merwan pour le divertir, Bolll semblait prendre un malin plaisir à l'effleurer d'un tentacule à chacun de ses passages,  et chaque fois, Merwan frémissait à son contact adipeux.
Il vivait dans la hantise de ses apparitions, tenaillé par la faim et la soif car quelque soit le temps qui s'était écoulé, c'était définitivement trop par rapport aux nombre de repas reçus.
Il se morfondait, rongeant son frein, se distrayant en observant les créatures qui l'entouraient, prisonnières comme lui. La plus proche avait des yeux grands comme une soucoupe et une longue trompe toute fine qui pendait tristement. De temps à autre, elle laissait échapper une plainte à fendre le cœur. Si les repas de Merwan lui étaient apportés par Bolll, ce n'était pas le cas des autres créatures qui était nourri par un Tappelnien saumoné à la tête plus ronde que triangulaire qui les gratifiait systématiquement d'un coup de tentacule et souvent les forçait à avaler leur pitance.

Au Zoo Interplanétaire - 98

— J'ai payé pour t'avoir.
— Vous m'avez fait enlever !
— Ton propriétaire t'a vendu.
— N'importe quoi ! Zyxxx ne ferait jamais ça.
— Oh vraiment ? En es-tu certain ?
A l'époque où Zyxxx l'avait amené hors des murs du zoo, il aurait pu y croire, mais depuis leur relation avait pris une telle tournure que c'était risible.
— Je suis son partenaire de nœud !
— Fascinant. Je n'aurais jamais songé à m'unir à toi.
Merwan se mordit la langue. Il en avait révélé plus qu'il n'aurait dû, emporté par son indignation. Un frisson le parcourut. Il ne voulait pas que le Tappelnien grisâtre le touche. Ce dernier glissa hélas un épais tentacule entre les barreaux. Merwan recula, mais la cage étant petite, il fut vite acculé et l'épais tentacule lui caressa l'épaule. C'était un brin visqueux. Merwan en eut la chair de poule.
— Non, cria-t-il. Tout, mais pas ça !
Le tentacule descendit sur son torse. Merwan serra les dents. Il n'allait pas se laisser faire. Hors de question d'être forcé à nouveau par quiconque, humain ou extraterrestre, seulement il savait qu'il n'était pas de taille à résister et cela le paralysait. Il tenta tout de même de le repousser. En vain. Le Tappelnien grisâtre palpa sa cuisse avant de se rétracter.
— Ta peau est chaude. C'est agréable. Cependant, ma vie sexuelle actuelle me convient parfaitement, ce qui m'intéresserait plus, c'est que tu me parles de l'endroit d'où tu viens.
La menace était claire : si Merwan ne se montrait pas assez bavard à son goût, il continuerait à avoir le tentacule baladeur. Merwan frotta énergiquement son épaule, son torse et sa cuisse.
— Alors ? reprit impatiemment le Tappelnien grisâtre.
— Vous n'aviez pas besoin de me capturer et de m'enfermer pour que je vous raconte des histoires.
— Bien sûr que si. Tu es spécial.
— Non, je suis comme vous.
— Tu es amusant. Nous n'avons rien en commun.
Merwan expliqua ce qu'il entendait par là, mais le Tappelnien grisâtre ne voulut rien savoir. Animal ou pas, peu lui importait. Tout ce qu'il souhaitait, c'était être diverti.

                                                    *
Zyxxx était allé travailler, mais c'est machinalement qu'il soignait ses patients. Il avait la tête ailleurs. Cela le tuait d'être là alors que Merwannn était sans doute dans une posture délicate, mais il ne pouvait reprendre un nouveau congé, il y aurait perdu son poste.  Or, il avait besoin d'un emploi pour assurer le quotidien. Les nutriments contenus dans les cocktails de Merwannn n'étaient pas donnés. Quand il le retrouverait – il refusait d'envisager autrement – il fallait mieux qu'il ait toujours un travail. En attendant, faire comme si de rien n'était, et examiner animal après animal était terrible.

Le soir venu, Zyxxx passa chez Kubbb, puis Jynnn, mais l'un comme l'autre lui assurèrent qu'ils n'avaient mentionné Merwannn à quiconque. Zyxxx visita à nouveau Makkk et Sylll pour interroger Jannn et Pirrr qui affirmèrent tout deux que même s'ils s'étaient vantés de leur super nounou, ils s'étaient bien gardé de révéler sa particularité.
Zyxxx  alla également questionner ses parents, puis son frère. Il se montra même agressif envers Zaddd qui, pour le coup, ne se fâcha pas.
— Je comprends que tu puisses penser que je suis impliqué dans sa disparition. Je n'ai pas caché mon hostilité envers lui. Cependant, ton bonheur m'importe, et ton attachement pour lui est tel que j'ai réalisé depuis longtemps déjà que cela te ferait par trop souffrir d'être séparé de lui.

Au Zoo Interplanétaire - 97

Il avait dû être emmené de force, car rien ne pouvait justifier un départ volontaire. Les autorités n'étaient pas impliquées, autrement Zyxxx aurait été à coup sûr convoqué pour un interrogatoire. Quelqu'un désireux de posséder un animal rare et savant sans s'embarrasser de négocier son acte de propriété pour l'avoir devait être à l'origine de cette disparition. Merwannn et lui avaient fait attention à l'extérieur à ne pas converser, mais par moments ils s'étaient relâchés. De toute façon, même sans ça, Merwannn était unique en son genre... Si jamais un de ses amis avait laissé échapper quelque chose à son sujet, cela avait pu exciter la convoitise d'un être sans scrupule... Zyxxx, sans se soucier que la soirée soit déjà bien avancée fit le tour de ses amis pour les questionner.

Casss et Lammm exprimèrent leur mécontentement d'être dérangés aussi tardivement. Qattt et Yolll furent froissés qu'il les accuse d'indiscrétion. Cependant, devant son désarroi, tous lui pardonnèrent. Zyxxx était désespéré de trouver un indice susceptible de le mettre sur la piste des ravisseurs de Merwannn. Kubbb comme Jynnn étant absents, Zyxxx leur adressa un message via sa tablette et rentra se suspendre pour dormir, mais sans le souffle de Merwannn pour le bercer, le sommeil le déserta. Où était-il ? L'avait-on blessé ?

*

Les barreaux étaient solides et comme au zoo, quand on restait trop longtemps en contact avec une chaleur désagréable s'en dégageait. Merwan se mit à tourner dans l'étroite cage rectangulaire, se demandant le qui et le pourquoi. De même qu'autrefois au zoo, il avait souhaité se réveiller dans son appartement, il aspirait à présent à regagner la tour de Zyxxx. Perdre tout ce qu'il avait regagné était terrible. Il avait renoncé à revoir ses parents et ses amis, mais cela n'avait rien eu de facile ou d'évident. Il ne voulait pas devoir faire la même chose avec Zyxxx.

Il était en train de déprimer quand au milieu des cages, un large Tappelnien au teint grisâtre et aux épaisses tentacules apparut.

— Bienvenue dans ma collection privée !

Il le prenait pour un tableau ou quoi ? s'énerva Merwan en son for intérieur.

— Tu vas te plaire ici, continua le Tappelnien grisâtre.

Une affirmation bien présomptueuse que Merwan l'aurait volontiers obligé à ravaler, s'il n'avait pas hésité à parler. Dévoiler son intelligence pour exiger sa libération risquait en effet de le rendre plus intéressant.

Le Tappelnien grisâtre résolut son dilemme en reprenant :

— Inutile de prétendre ne pas comprendre, je sais que tu maîtrises le Tappelnien.

— Laissez-moi sortir. C'est tout ce que j'ai à vous dire.

Au Zoo Interplanétaire - 96

Merwan souleva les paupières. Il était étendu, nu, sur le sol froid, le crâne endolori. Devant son nez, se dressait de fins barreaux bleus.
Il referma les yeux, priant pour que cela ne soit qu'un cauchemar. Il ne pouvait pas, ne voulait pas revivre ça... Puis, il se souvint et se remit sur pieds d'un mouvement vif, ce qui eut pour effet d'aviver sa douleur à la tête.
Pas longtemps après le départ de Zyxxx, deux Tappelniens inconnus avaient pénétré dans la tour alors qu'il regardait un film.
— Voilà la bestiole ! s'était écrié le premier.
— Quelle est laide !  s'était exclamé le second.
— Du moment qu'on est payé, j'attrape tout ! avait rétorqué le premier.
Merwan avait esquivé quelques uns de leurs tentacules sans que cela l'empêche le moins du monde d'être capturé. Il s'était débattu en criant et l'un de ses deux ravisseurs lui avaient filé un coup sur la tête « pour le calmer. »
Merwan palpa délicatement l'endroit où il avait mal. Il avait une jolie bosse. Il serra les dents, son cœur tambourinant douloureusement dans sa poitrine.
Il avait l'impression d'étouffer. Par rapport à sa cage au zoo, l'espace était moindre et les barreaux moins hauts. Au-dessus de lui, pas de ciel psychédélique mais un grand plafond bleuté.
Il allait se réveiller. C'était impossible autrement. Il cligna des paupières, mais le décor ne changea pas. Autour de lui, dans des cages similaires à la sienne, à l'exception d'une qui avait tout d'un aquarium, d'étranges créatures étaient emprisonnées. Comment et pourquoi s'était-il retrouvé dans un autre zoo ? Merwan déglutit en se tordant les mains, se retenant de pleurer. Qu'avait-il donc fait pour mériter ça ? Une part de lui refusait la situation. Hélas, les barreaux ne disparaissaient pas.
Il essaya de se rassurer : il était moins démuni que la première fois puisqu'il maîtrisait le Tappelnien et se débrouillait dans la langue de l'alliance galactique, peut-être qu'il pourrait convaincre ceux qui l'avait enfermé de le libérer. L'idée que ce fut justement sa capacité à parler qui ait motivé sa capture tua ses espoirs dans l'œuf.
Dans tous les cas, il aurait donné cher pour être encore chez Zyxxx. Merwan ne doutait pas que le Tappelnien remuerait ciel pour le retrouver, mais rien ne garantissait qu'il y parvienne... Merwan nageait en plein cauchemar, une fois de plus.

*

Il était tard quand Zyxxx revint à la tour. Merwannn ne l'attendait pas derrière la porte pour autant. Sa couverture était étalée sous l'écran plafonnier, mais il n'était pas dessus. Ce n'était pas normal et Zyxxx commença à s'inquiéter. Espérant que Merwannn s'était juste débrouillé pour se rendre aux étages supérieurs, il grimpa en l'appelant, mais le bassin comme la chambre étaient vides.
Ne voulant pas envisager le pire, Zyxxx se raccrocha à l'idée que Makkk était venu le chercher en urgence pour garder Jannn et Pirrr et il se précipita chez ces derniers. Sylll le détrompa et Zyxxx dut se résoudre à l'évidence : Merwannn avait disparu.

Au Zoo Interplanétaire - 95

Cette parenthèse terminée, la vie normale reprit son cours. Sur les conseils de Zyxxx, Wyvvv acquit un forb, c'est-à-dire une mignonne petite boule de poils roses avec de drôles d'yeux en forme d'étoile. De façon amusante, alors que cet achat symbolisait pour elle l'acceptation de son célibat, elle rencontra dans une boutique vendant de quoi nourrir ses animaux de compagnie, un autre propriétaire de forb avec qui elle fit un peu plus que sympathiser.
Par conséquent, Zyxxx put à nouveau consacrer la majeure partie de son temps libre à Merwan. Parfois Merwan se sentait quand même seul au milieu de tous ses Tappelniens qu'ils soient de la famille de Zyxxx, ses amis ou des inconnus. Ses parents et amis lui manquaient. Cependant, il était désormais résigné à ne plus jamais les revoir.
Il continuait à garder de temps à autre Jannn et Pirrr, à apprendre la langue de l'alliance galactique et à enrichir son vocabulaire en Tappelnien.
C'est ainsi qu'il tomba enfin sur le verbe « aimer » en Tappelnien. Ce n'était pas très important parce qu'il n'en avait pas besoin pour montrer son amour et que Zyxxx exprimait le sien par mille petites attentions et mots doux.
Merwan fut quand même ravi ce soir-là de pouvoir l'accueillir en lui déclarant :
— J'aime Zyxxx.
Le Tappelnien le remercia et lui expliqua gentiment que ce verbe n'était employé qu'avec les choses et les concepts, jamais les individus.
— Comment l'exprime-t-on, alors ? demanda Merwan contrarié de son erreur.
— Je te suis attaché. C'est la formule la plus usitée.
Zyxxx la lui avait glissé à l'oreille à plus d'une occasion.
— Moi aussi, je te suis attaché, murmura Merwan.
Zyxxx l'attira tendrement entre ses tentacules.
Ils étaient différents sur bien des plans, physiques comme linguistiques, mais leur amour ou attachement l'un pour l'autre gommait toutes les difficultés.
Dans un film, un moment pareil eût été parfait pour le mot fin avant que ne défile le générique. Les gens heureux n'ont pas d'histoire, c'est bien connu et c'était leur cas, même si parfois Zyxxx était frustré de devoir se plier aux horaires de fou de la clinique où il était employé, même si les visites à sa famille se déroulaient toujours de façon désastreuse et même si Merwan était toujours catalogué comme un animal à l'extérieur.
Merwan mesurait malgré tout la chance qu'il avait eu dans son malheur. Au lieu de finir ses jours comme la pauvre Anouchka, à dépérir dans le zoo interplanétaire, il avait retrouvé une existence libre et heureuse grâce à un être généreux et prévenant, Zyxxx.

Au Zoo Interplanétaire - 94

Zyxxx ébouriffa les mèches soyeuses de Merwannn, tout en lui frottant le dos.
— Il t'a encore malmené avec des mots ?
Merwannn hocha la tête de haut en bas. Un oui.
— Tu veux en parler ?
— Je ne sais pas...
— Et si nous prenions un bain ?
Nouveau oui silencieux.
Zyxxx l'attrapa, le monta en douceur, le dévêtit et le plongea dans le bassin avant d'y entrer à son tour.
Ils trempaient depuis un moment quand Merwannn dévoila peu  peu les horreurs que l'autre lui avait sorti. Zyxxx l'écouta, plein de rage contre cet individu vicieux.
— Tu n'as vraiment plus à regretter qu'il soit au zoo.
— Cette fois, c'est son choix.
— Et concernant ce qu'il a pu te dire, il a beau jeu de te reprocher ta sexualité alors que c'est lui qui ne pense qu'à l'accouplement. La violence verbale ou physique, voilà ce qui est mauvais.
                                                    *
Merwan se sentait plus léger après s'être confié à Zyxxx. C'était étrange comme les apparences étaient trompeuses. Tom, pourtant humain, cachait un cœur noir tandis que l'extraterrestre, sous son air monstrueux était empli de bonté. C'était un peu comme dans le conte de la Belle et la Bête entre le prétendant de Belle et la Bête, excepté que rien ne viendrait changer le physique de l'alien qui n'était dû à nulle malédiction. Zyxxx était on ne peut plus normal pour un Tappelnien : de multiples tentacules et une tête triangulaire dépourvue d'oreilles, yeux, bouche et nez.
Zyxxx l'attira hors du bassin et se sécha avec lui sous le soufflant avant de le porter en haut dans la chambre où il l'allongea sur la moelleuse couverture.
Merwan tendit les bras vers lui, il ne voulait pas que Zyxxx se suspende de suite pour dormir. L'invitation fut comprise. Deux tentacules glissèrent dans chacune de ses mains, deux autres s'enroulèrent autour du bas de ses jambes, les repliant, puis les écartant, exposant ses parties génitales. Le tentacule buccal de Zyxxx recouvrit ses lèvres. Un de ses intimes caressa le membre durcissant de Merwan. Un autre titilla son anus avant de s'y insinuer. Davantage de tentacules s'entortillèrent autour de son corps, chauds et frémissants. Zyxxx émit sa mystérieuse mélodie. Merwan poussa un gémissement étouffé. Zyxxx dégagea aussitôt sa bouche. La respiration de Merwan s'accéléra et des plaintes de volupté jaillirent tandis que Zyxxx bougeait en lui et sur lui.
Merwan cria sa jouissance avec d'autant moins retenue qu'il savait que Zyxxx prenait plaisir à l'entendre.
 

Au matin, ils s'unirent encore et à plus d'une reprise. Puisque Zyxxx était en congé, une journée en amoureux s'annonçait pour la plus grande joie de Merwan. C'était leur première, ce qui la rendait d'autant plus exceptionnelle.
Après le déjeuner et un autre câlin des plus satisfaisants, Merwan s'inquiéta toutefois que Zyxxx ne veuille partir acheter un animal en compagnie de Wyvvv. Zyxxx le rassura, il comptait programmer ça pour un soir après le travail. Ils regardèrent ensemble un film, conversèrent longuement de choses et d'autres, et c'est heureux qu'ils s'endormirent.

Au Zoo Interplanétaire - 93

La conversation entre Merwannn et la brute ne s'était à priori pas bien déroulée. Le nombre de visiteurs qui les entourait empêchait cependant toute question.
— Allons vers les bâtiments du personnel, ce sera plus tranquille, déclara Zyxxx escomptant pouvoir y interroger Merwannn.
— Nous allons enfin fixer le rendez-vous avec le directeur ? demanda Wyvvv.
— Si tu es certaine...
— Je n'arrête pas te le répéter.
Néanmoins, dès qu'ils furent au calme, Merwannn leur annonça que Tom n'était pas d'accord.
Wyvvv fut très déçue. Elle s'énerva contre Merwannn, l'accusant de mentir, insistant pour qu'il retourne le convaincre. Zyxxx s'interposa :
— Merwannn a fait ce qu'il pouvait. Un véritable animal de compagnie te causera moins de soucis.
Réalisant immédiatement que cette affirmation pouvait être blessante pour son partenaire, il ajouta :
— Merwannn est adorable, mais ce n'est pas le cas de l'autre.
Wyvvv dut se faire une raison. Elle voulut qu'ils fassent encore un tour dans les allées du zoo au lieu de repartir directement. Initialement ils avaient prévu d'aller à l'hôtel, mais ce n'était plus nécessaire.
Zyxxx hésita. D'un côté, la déception de son amie était grande et elle méritait d'achever la visite des lieux après ce long voyage inutile, de l'autre Merwannn était sans aucun doute bouleversé par son dialogue avec l'autre et c'était beaucoup lui demander que de continuer à se balader comme si de rien était, en laisse de surcroît.
— Je regrette, mais ce sera sans nous.
— Comme d'habitude, tu laisses tomber tes amis, se plaignit Wyvvv.
— N'exagère pas. En Tappelnie, je t'accompagnerai dans les animaleries.
L'offre adoucit Wyvvv qui renonça à prolonger sa visite au zoo.

Zyxxx trouva long le retour. Le bavardage de Wyvvv ne pouvait lui faire oublier à quel point Merwan semblait secoué. Il n'avait qu'une envie le réconforter, mais pour cela, il fallait qu'ils soient rentrés au logis, à l'abri des regards.
Ils débarquèrent sous le ciel turquoise de Tappelnie, épuisés, ce qui était logique après avoir effectué un quasi aller-retour sur une distance pareille. Heureusement, ils n'auraient pas à aller travailler demain, n'ayant utilisé qu'un seul de leurs deux jours de congé.
Zyxxx et Merwannn montèrent dans un des nombreux compartiments du véhicule de transport, Wyvvv dans un autre. Une petite programmation et un détachement plus tard, ils furent enfin au logis.

Au Zoo Interplanétaire - 92

Tom continua :
— Après ton dernier passage, quand on m'a fourni deux tapis supplémentaires, une balle et un cerceau, je me suis demandé si tu avais vraiment réussi à faire ami-ami avec les hideux.
— J'ai appris leur langage, oui. Je ne suis plus traité comme un animal.
— Ah ! Tu es super crédible avec ton collier autour du cou, ricana Tom.
Merwan s'empourpra et tenta d'expliquer les raisons, mais Tom le coupa:
— J'en ai rien à foutre !
— Nous sommes venus te faire sortir d'ici, déclara Merwan, en serrant les poings, se demandant ce qu'il faisait là à s'occuper de ce salaud.
— Ah ouais ? Tu es venu me chercher parce que rien ne vaut une bonne bite pour défoncer ton fion ?
— Tu rêves ! Nous n'allons pas vivre sous le même toit ! s'écria Merwan, révolté. C'est Wyvvv qui t'accueillerait !
— Qui donc ? Le bidule rosé à côté du machin qui te tient en laisse ? Merci, mais non merci, tantouze !
Merwan qui s'était attendu à ce que Tom saute à pieds joints sur l'occasion de quitter sa cage, se dit qu'il avait mal compris.
— Elle est gentille. Chez elle, tu serais mieux qu'au zoo.
— Ton plan foireux, tu peux te le garder ! Ici,  plus personne ne m'embête. L'autre affreux à tentacules, il me fiche la paix désormais. Aucune envie de devoir en rééduquer un autre à pas me fourrer un tentacule au cul. Je ne suis pas comme toi.
Merwan n'avait pas envisagé une seconde que Tom refuse. Wyvvv et Zyxxx non plus. Les deux Tappelniens attendaient en discutant avec les autres aliens qui étaient intrigués par l'échange entre Merwan et Tom.
— Elle n'a pas l'intention de te faire du mal.
— Rien à branler ! La seule chose qui me fera bouger d'ici, c'est un allé direct pour la Terre.
Merwan se tourna vers Zyxxx et Wyvvv, il ne pouvait pas les mettre au courant ici, il y avait trop de monde...
— Hé ! s'exclama Tom.
Merwan pivota pour lui faire à nouveau face.
— Quoi ?
— Si c'est bien à toi que je dois la balle, le cerceau et le surplus de tapis et que ce n'est pas une coïncidence, tu peux pas faire qu'ils m'envoient une nana bien roulée ?
Avec Tom, cela ne dépassait jamais le haut de la ceinture. Merwan avait payé cher pour le savoir. Plus rien n'aurait dû l'étonner ou l'horrifier de sa part. Il resta cependant sans-voix devant la demande qu'il formulait : comment pouvait-il souhaiter que quelqu'un d'autre soit mis en cage comme un animal, juste pour son bon plaisir ?
Merwan se détourna de lui. Tom l'appela encore. Merwan s'éloigna. Zyxxx, sans attendre que la laisse soit tendue à son maximum, le suivit et Wyvvv l'imita.

Au Zoo Interplanétaire - 91

Prendre un congé de deux jours fut compliqué du côté de Zyxxx comme de Wyvvv. Ils durent patienter avant de pouvoir enfin partir, ce qui donna le temps à Merwan d'angoisser et de cauchemarder à la perspective de revoir Tom.

C'était cependant différent de la dernière fois. Zyxxx savait que cela lui coûtait et était aux petits soins pour lui. Par ailleurs, les enjeux étaient moindres. Il ne s'agissait pas de convaincre le directeur de ne plus kidnapper des humains, mais juste de libérer son dernier spécimen. Enfin, Wyvvv était du trajet, bavardant avec animation avec Zyxxx. Cela irritait Merwan qui aurait bien aimé être lui aussi libre de parler, tout en le distrayant de la confrontation qui l'attendait.
Pour le voyage, Zyxxx avait été obligé de lui remettre le collier et la laisse, mais au moins Merwan était habillé correctement.
Une fois qu'ils furent descendus de l'œuf, Wyvvv s'extasia sur la beauté du ciel psychédélique et s'enthousiasma sur l'air pourtant saturé et la terre violacée, tous synonymes de mauvais souvenirs pour Merwan.
Ils entrèrent finalement dans le zoo. Merwan qui était tendu comme un arc aurait apprécié qu'ils aillent droit au but, mais Wyvvv s'attardait dans les allées, admirant tel ou tel animal cornu ou poilu. Heureusement, Zyxxx finit par la presser.
Ensemble, avant le départ, ils avaient convenu que Wyvvv verrait d'abord Tom et que ce n'est qu'après qu'ils prendraient rendez-vous avec le directeur. Wyvvv était persuadée qu'elle ne changerait pas d'avis, mais Zyxxx avait été ferme : si jamais au bout du compte Tom lui déplaisait pour une raison ou une autre, mieux valait ne pas déranger le directeur.
Ils passèrent devant le lion, toujours vivant, même si son pelage était devenu tout terne et furent devant la cage de Tom qui dribblait énergiquement avec une balle fluorescente.
Il la lâcha dès qu'il eut repéré Merwan et l'interpella :
— Toujours la petite chienne en chaleur du monstre ?
Il n'avait pas changé. Alors qu'il n'avait eu personne à qui parler depuis des semaines, c'était comme ça qu'il l'accueillait. Merwan avait bien envie de tourner les talons et d'échapper à la curiosité des autres visiteurs aliens qui n'avaient pas manqué de remarquer les ressemblances entre lui et « l'animal » encagé.
— T'a perdu ta langue, lavette ?
Merwan songea qu'il aurait préféré être sourd plutôt que d'entendre ça.
En attendant, il y avait un côté ironique à ce que Tom qui lui avait reproché de  trop « causer » souhaite qu'il réponde.

Au Zoo Interplanétaire - 90

                                                         *
Merwan n'en revenait pas. La proposition de Wyvvv résolvait deux problèmes d'un coup. Il n'aurait plus à se tourmenter d'avoir laissé Tom au zoo et les soirées avec la Tappelnienne cesseraient si bien qu'il n'aurait plus à s'inquiéter que Zyxxx retombe dans ses bras, enfin tentacules.
— Tu souhaites vraiment que l'autre quitte sa cage ?
— Il sera enfermé aussi chez Wyvv, mais il n'aura plus à se donner en spectacle. Ce ne sera plus aussi... « inhumain »... Tout ça pour dire, c'est une solution idéale.
— Elle implique que nous retournions au zoo et que tu l'informes de la situation. Je voudrais éviter qu'il ne s'attaque à Wyvvv. Il avait réussi à me faire à mal avant que je ne réalise de quoi il était capable.
Merwan grimaça. Il n'avait pas pensé à cela. Et même si cela le rendait jaloux que Zyxxxx se montre si protecteur envers Wyvvv, il devait reconnaître que c'était mieux que Tom sache ce qui lui arrivait, ce qui signifiait hélas, le revoir et parler une fois encore à celui qui l'avait violé sans paraître éprouver l'ombre d'un remord.
Dommage que lui écrire un message n'eût pas été possible. Le papier n'existait pas dans le coin et les tablettes qui servaient à une foultitude de choses et notamment la communication, ne fonctionnaient qu'avec leur propriétaire. Chaque membre de l'alliance galactique en possédait une, adaptée à sa morphologie.
— S'il le faut, je le ferai.
Ce serait, il l'espérait, la dernière fois qu'il aurait à adresser la parole à Tom. Ce dernier était peut-être le seul autre être humain dans cette partie de la galaxie, mais c'était avant tout un tordu.
Heureusement, Merwan, avec Jannn et Pirrr, avait trouvé deux interlocuteurs privilégiés qui adoraient ses histoires de la planète Terre. Zyxxx était également un auditeur de choix, désireux d'en apprendre plus sur les humains et leurs mœurs.
D'ailleurs, ce n'était peut-être qu'une différence culturelle si le Tappelnien ne réalisait pas à quel point c'était dur pour Merwan que Zyxxx se soucie autant de Wyvvv avec laquelle il avait été intime. Et dans ce cas, Merwan n'avait plus de raison d'être fâché, mais cela restait dur...
— Nous n'avons plus qu'à organiser un nouveau voyage avec Wyvvv, alors.
— Pourquoi avec elle ?! ne put s'empêcher de s'écrier Merwan.
Zyxxx frappa le sol d'un tentacule furieux.
— Je sais qu'elle t'a un peu malmenée par le passé, mais c'est mon amie! Je veux qu'elle sache bien à quoi elle s'engage et comme ça, nous n'aurons pas à effectuer le trajet du retour avec lui !
Zyxxx cherchait à le ménager lui aussi, comprit Merwan, prenant conscience du même coup des proportions ridicules qu'avait atteint sa jalousie envers Wyvvv. A sa décharge, il l'avait vu sept soirs de suite, Zyxxx l'avait brièvement pris entre ses tentacules deux fois et Wyvvv avait évoqué à trois reprises ses anciens rapports avec Zyxxx, car décidément les Tappelniens n'étaient pas du genre à faire des mystères sur leur vie sexuelle...
— Je suis désolé. J'ai déjà essayé de t'expliquer, mais cela ne marche pas. Peut-être que vous ne ressentez pas ça, vous autres Tappelniens, mais tu sais, j'avais autrefois un partenaire sur Terre,  Joshua... Ne serais-tu pas agacé s'il était toujours collé à moi ?
Zyxxx prit le temps de réfléchir.
— Si vous aviez été trop proches, les tentacules m'auraient démangé de t'arracher à lui.
Merwan sourit. Zyxxx était pareil finalement. Seulement, il n'avait pas eu l'occasion d'être jaloux puisque personne ne  convoitait Merwan ainsi en Tappelnie. En un sens, cela voulait aussi dire que Zyxxx considérait vraiment Wyvvv comme une simple amie, pas susceptible de défaire le nœud formé avec Merwan. Assurément cette affaire de nœud avait une valeur plus forte que le mariage sur Terre. Ce n'était pas son équivalent contrairement à ce qu'avait longtemps cru Merwan.

Au Zoo Interplanétaire - 89

Pendant une dizaine de jours, ils replongèrent dans une bulle de bonheur, pas de famille, pas d'amis – si ce n'est brièvement après que Merwannn ait gardé Jannn et Pirrr –  juste eux. La clinique était rentrée dans une nouvelle phase d'accalmie après avoir accepté trop de clients, ce qui permettait à Zyxxx de rentrer tôt.
Et puis, il y eut la visite à ses parents après une invitation formelle. Zaddd qui était présent avec sa femme et ses enfants, se comporta mal à l'égard de Merwannn et critiqua ouvertement Makkk et Sylll d'avoir choisi une créature sortie de nulle part pour prendre soin de sa progéniture. Évidemment, après Merwannn fut tout triste. 

A la suite de quoi, Zyxxx se retrouva à devoir consacrer du temps à Wyvvv qui allait très mal après avoir croisé la compagne de son ancien partenaire et les deux rejetons qu'elle venait de pondre.
Elle souffrait tellement de sa stérilité et sa solitude que Zyxxx l'invita à plusieurs reprises, ce que Merwannn lui reprocha. Zyxxx ne comprenait pas pourquoi. Lui aussi cela le frustrait d'écourter leur temps à deux où il pouvait envelopper le corps de Merwannn dans le sien et se nouer à lui, mais le bien-être de son amie passait avant son plaisir.
— Tu t'es accouplé avec elle, Zyxxx. Bien sûr que je supporte mal que tu la fréquentes régulièrement ! s'insurgea Merwannn.
— C'est avec toi que j'ai formé le nœud ! répliqua Zyxxx, fâché que Merwannn ne saisisse pas l'importance de ce fait.
Quand Wyvvv arriva ce soir-là, l'atmosphère pesante qui régnait entre eux ne put lui échapper.
— Je vous gêne, n'est-ce pas ?
— Mais non, protesta Zyxxx.
Merwannn opta pour un éloquent silence.
— Au lieu de m'imposer chez les autres, peut-être devrais-je comme toi, prendre un animal de compagnie...
— Merwannn est plus que cela, souligna Zyxxx.
— Exact... répondit Wyvvv.
Elle se mit à se frapper plusieurs tentacules les uns contre les autres, signe qu'elle avait eu une idée brillante et reprit :
— Il en reste un comme lui au zoo, si je ne m'abuse ? Tu crois que le directeur me le vendrait ?
Le Kondarien se ferait une joie de s'en débarrasser, peut-être, même pour rien, mais Zyxxx essaya de calmer son amie.
— Tu ne peux pas sérieusement envisager... commença-t-il.
— Et pourquoi pas ? Cela a bien fonctionné pour toi ! s'écria Wyvvv
— Il est violent, expliqua Zyxxx.
— Il vous considère comme des monstres, précisa Merwannn, se mêlant enfin à la conversation.
— Je saurais le détromper, assura Wyvvv. Je ne tiens pas à entreprendre quoique ce soit de sexuel avec lui, mais au moins, il sera plus causant qu'une bestiole, ajouta-t-elle.
— Il ne parle pas le Tappelnien, argumenta Zyxxx.
— Merwannn pourrait lui apprendre, contra Wyvvv.
— Je ne veux pas le fréquenter, rétorqua Merwannn.
— Et pourquoi donc ?
Comme Merwannn se figeait, ne répondant rien, Zyxxx se chargea d'exposer brièvement ce que Tom lui avait fait subir.
Cela ne découragea pas Wyvvv pour autant. Si Merwannn avait maîtrisé le Tappelnien, il n'y avait pas de raison que l'autre de son espèce n'y parvienne pas et Wyvvv se sentait capable de se défendre contre un être aussi peu membré.
Zyxxx était d'avis que Tom était dangereux et que le mieux était qu'il reste au zoo, Merwannn en revanche était pour qu'il en sorte. Zyxxx tenta de changer de sujet et échoua. Finalement, il dut promettre à Wyvvv qu'ils en reparleraient pour que cette dernière accepte de rentrer chez elle.

Au Zoo Interplanétaire - 88

Durant le récit, Sylll les rejoignit pour signifier aux enfants qu'il était temps d'aller se coucher. Jannn comme Pirrr se rebiffèrent. Sylll, après avoir confirmé avec Merwan que la fin était proche, accepta qu'ils écoutent jusqu'au bout.
Une fois l'histoire terminée, tandis que Sylll montait à l'étage avec les enfants, Merwan revint auprès de Makkk, Zyxxx et ses parents qui étaient fort heureusement en train de prendre congé.
— Merci pour l'accueil.
— C'était un plaisir, répondit Makkk.
Pour lui dire au revoir, le père comme la mère lui serrèrent un tentacule et firent de même avec leur fils, mais n'esquissèrent pas un seul geste envers Merwan, alors même qu'il avait tendu le bras vers eux.
Merwan, un peu peiné malgré tout d'être ignoré, décida de ne pas s'en formaliser. Après tout, s'il avait pu présenter Zyxxx à ses propres parents, ils étaient fort probables que ces derniers auraient crié et auraient refusé de l'approcher. Enfin, une fois qu'ils auraient eu compris qu'ils étaient face d'un extraterrestre et non pas d'un humain habillé d'un costume remarquablement bien fait. Merwan avait aidé bon nombre d'amis à tourner des films amateurs et certains étaient passés chez lui dans leurs déguisements.
Ce fut ensuite leur tour de partir. Zyxxx et Makkk se donnèrent une espèce d'accolade. Devant cette étreinte, Merwan ressentit une pointe de jalousie. Il n'avait que deux bras et il ne pourra jamais rendre à Zyxxx ce type d'embrassade.
                                                *
Zyxxx était redevable à Makkk. Que Sylll et lui confient leur progéniture à Merwannn avaient obligés ses parents à considérer que la « créature » était en réalité un individu fiable. Zyxxx n'avait plus à vivre dans la crainte que ses parents ne s'arrangent pour le séparer de Merwannn. Ces derniers avaient enfin validé son choix, sans enthousiasme aucun, mais qu'importe, ils étaient prêts à lui ouvrir leur porte et Zyxxx ne doutait pas qu'ils finiraient par s'habituer à lui, une fois qu'ils auraient fait véritablement connaissance avec lui. Son frère serait bien obligé de ranger à leur avis.
Zyxxx avançait dans la rue les ramenant au logis, tout guilleret, un tentacule enroulé autour d'un poignet de Merwannn quand il pressentit que ce dernier ne partageait pas sa joie.
Il avait lui-même instauré la règle qu'ils ne devaient pas bavarder à l'extérieur, mais comme chaque fois qu'il le considérait utile, il la brisa.
— Cela ne va pas ?
— Je suis fatigué, c'est tout. Garder Jannn et  Pirrr n'est pas de tout repos, même si je m'amuse bien à leur raconter des histoires et le dîner surprise avec tes parents m'a achevé.
— Tout est résolu, à présent.
— C'est beaucoup dire.
— C'est vrai qu'ils ne t'ont pas salué, mais il faut leur laisser du temps.
— Oui, bien sûr.
Le silence retomba entre eux jusqu'à ce qu'ils soient dans la tour. Merwannn proposa qu'ils aillent dormir immédiatement, mais Zyxxx le prit entre ses tentacules. Merwannn se laissa faire, mais sans réagir, ce qui était inusuel.
— Tu ne veux pas ?
— Ce n'est pas ça, mais...
Et Merwannn avoua ce qu'il avait ressenti en les voyant se donner une accolade lui et Makkk.
— Ce n'est vraiment pas l'essentiel et ta musique n'appartient qu'à toi, déclara Zyxxx avant de le lui montrer, en le caressant partout de toutes ses tentacules, le faisant gémir de la plus délicieuse des façons.

Au Zoo Interplanétaire - 87

S'ensuivit un dialogue muet où chacun y alla de son mouvement de tentacules, excluant Merwan de la conversation. Cela n'avait rien d'évident d'être toujours l'intrus, mais Merwan puisait du réconfort dans le tentacule protecteur que Zyxxx avait posé sur son épaule depuis l'arrivée de ses parents.
— Même s'il n'a que toi comme lien ici, pourquoi former un nœud avec lui ? interrogea finalement le père mais d'un ton dénué de l'agressivité dont il avait fait preuve jusqu'alors.
Le cœur de Merwan s'emballa à cette question dont la réponse l'intéressait aussi.
— Parce qu'il met de la couleur dans ma vie, qu'il me donne le point d'attache qui m'a toujours fait défaut, qu'il me laisse être moi-même, répondit Zyxxx.
Merwan l'aurait embrassé, s'il n'y avait pas eu autant de spectateurs.
— Sa disparition doit être dure pour sa famille, déclara la mère, une fois de plus sans grand rapport avec ce qui était dit, montrant toutefois que quelque chose d'important s'était passé durant la discussion gestuelle.
— Je n'ose imaginer ce que je ressentirai si l'un de mes fils était enlevé, glissa Sylll.
— Il ne reste plus à ta mère qu'à annuler le rendez-vous qu'elle a pris pour toi, dit le père.
— Oui, je vais faire ça, murmura la mère.
— La prochaine que tu viens dîner chez nous, amène-le, ajouta le père.
Le poids qui avait pesé sur Merwan ces derniers jours disparut. Zyxxx n'aurait pas à cesser de fréquenter ses parents à cause de lui. Sur son épaule, le tentacule de Zyxxx devint plus souple. Pas besoin d'être expert en biologie Tappelnienne pour comprendre que la tension qui l'habitait l'avait quitté.
Makkk proposa de nouvelles boissons, entraînant une discussion agréablement anodine sur un mélange apparu il y a peu sur le marché. Pendant qu'il allait les chercher, le père de Zyxxx s'adressa directement à Merwan :
— Votre planète vous manque ?
C'était la première fois qu'il lui parlait sans colère, sans le traiter de créature.
— Oui, beaucoup, mais Zyxxx est là, répondit Merwan en bafouillant à moitié.
Jannn et Pirrr qui avaient été remarquablement calmes jusque là, se manifestèrent alors :
— Maman, maintenant que vous avez terminé vos trucs d'adultes, est-ce que Merwan peut nous raconter une histoire ?
— Si vous n'avez plus faim et qu'il le souhaite, oui.
L'occasion était trop belle d'échapper à d'autres questions des parents de Zyxxx et risquer de remettre en cause leur fragile acceptation par une phrase malheureuse, aussi Merwan s'empressa d'accepter et de s'éloigner avec les deux enfants dans la seconde moitié du salon.

Au Zoo Interplanétaire - 86

A la scène où la créature velue allait dévorer le petit alien à tentacules rouges, Merwan fut relâché et autorisé à s'asseoir.
Il était au beau milieu de la Belle et la bête   selon l'adaptation cinématographique de Jean Cocteau avec Jean Marais quand Sylll rentra. Merwan s'interrompit, mais brièvement, les enfants le pressant de continuer. Au lieu de ranger ses achats, Sylll resta pour écouter. Ce n'était pas facile de raconter tout ça en Tappelnien, mais Merwan était content, car son audience était captive.
L'histoire finie, les enfants en réclamèrent une autre et Sylll repartit pour une seconde course.
Au total, cette première expérience de « Tappelnien-sitting », malgré un très mauvais départ, se révéla concluante.
Sylll et Makkk se mirent à faire régulièrement appel à Merwan qui apprécia grandement d'avoir un job. Cela lui évitait d'être seul en permanence, toujours dans l'attente du retour de Zyxxx.
Jannn et Pirrr, passés leur hostilité première à celui qui les privait de leur mère, lui firent chaque fois bon accueil. Même la révélation que sans leur aide Merwan ne pouvait gagner les étages supérieurs ne les incita pas à abuser de cette faiblesse. Les histoires dont Merwan les régalait leur plaisaient trop pour cela.
Cela devait faire la dixième fois que Merwan s'occupait de Jannn et Pirrr, quand Zyxxx en venant le chercher, annonça qu'ils allaient dîner avec Makkk, Sylll et les enfants.
— Tu es sûr qu'on ne va pas les déranger ? s'enquit Merwan.
Il avait beau ressentir une affection grandissante pour les deux petits Tappelniens, il aurait aimé se retrouver en tête-à-tête avec Zyxxx.
— Certain. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls invités.
— D'autres de vos amis ?
— Non, mes parents.
— Quoi ?! Pourquoi tu ne m'as pas prévenu plus tôt ?
— Pour que tu passes une journée sans te faire de soucis.
— Ils savent que je suis là ?
— Non.
Merwan n'eut que le temps de reprocher  ses cachotteries à Zyxxx avant que les parents n'arrivent. Dès qu'ils l'eurent repéré, leurs tentacules se raidirent.
Jouant les innocents, Makkk et Sylll les attirèrent dans le salon, leur offrant à boire. Jannn et Pirrr se mirent alors à chanter les louanges de leur nounou.
Il y avait de quoi se sentir piégés et Merwan eut presque pitié des parents de Zyxxx.
Comme un cheveu sur la soupe ou bien selon l'expression Tappelnienne équivalente, comme une bille dans le cocktail, la mère de Zyxxx annonça :
— Je t'ai organisé un rendez-vous avec la fille d'une amie.
— Je ne suis plus libre, répondit Zyxxx.
— Techniquement, tu l'es, puisque tu ne peux en aucun cas officialiser ton nœud avec ta créature, rétorqua le père.
— En admettant que je fasse connaissance avec cette Tappelnienne, cela n'aboutira à rien, répliqua Zyxxx.
— Un mauvais nœud est pire qu'aucun, approuva Sylll.
— Cette chose ne peut en aucun cas être un partenaire digne de mon fils ! Si c'était votre enfant, vous seriez de mon avis ! s'écria la mère.
— Nous ne le nions pas, intervint Makkk, en faisant une drôle de vague avec un de ses tentacules dans ce que Merwan supposa être un geste d'apaisement.
— Mais pourquoi vous montrez vous si blessants envers celui que j'ai choisi pour partenaire, lui qui a été coupé de son monde contre son gré? demanda Zyxxx.
Pour toute réponse, les tentacules de ses parents s'agitèrent nerveusement.

Au Zoo Interplanétaire - 85

Quelques jours après qu'il eut donné son accord, Zyxxx l'accompagna chez Makkk qui n'habitait pas très loin de leur logis dans une tour semblable à celle de Zyxxx si ce n'est qu'elle comportait deux étages supplémentaires.
Zyxxx fit les présentations. Merwan serra un tentacule de Makkk, de son épouse Sylll et de leurs enfants qui étaient comme des modèles réduits de leur père avec toutefois un nombre plus modeste de tentacules.
Zyxxx ne resta pas, Makkk non plus, tous deux étant attendus à leur travail. Sylll demeura en revanche, posant d'indiscrètes questions sur sa vie au zoo et sur sa planète tandis que les enfants patientaient, sans mouvoir l'ombre d'un tentacule, sages comme des images. Elle finit par aborder ses expériences avec les enfants et Merwan se montra honnête : il avait fait du baby-sitting pour financer ses études de cinéma, mais il ne considérait pas que cela le qualifiait pour autant pour veiller sur deux petits Tappelniens. Malgré sa modestie et son manque total d'assurance, Sylll parut satisfaite car elle déclara qu'elle allait s'absenter pour une course et qu'elle serait bientôt de retour.
Merwan se retrouva seul face à Jannn et Pirrr, les deux enfants âgés respectivement de quatre et six révolutions. Sitôt leur mère partie, leurs petites tentacules entrèrent en action, s'accrochèrent aux jambes de Merwan et le renversèrent en le tirant en avant.
Merwan n'eut que le temps de pousser un cri avant d'entrer brutalement en contact avec le sol carrelé.
Il en eut le souffle coupé. Il n'était pas à la hauteur, comprit-il avec amertume.
— Il est mort, tu crois ? demanda Jannn.
— Ça n'a jamais tué personne de tomber, répliqua Pirrrr.
— Mais il n'est pas comme nous, argua Jannn.
— Et c'est dangereux de traiter les étrangers comme ça, je pourrais avoir des capacités que vous ne soupçonnez pas, intervint Merwan qui ne voulait pas s'avouer vaincu, même si sa posture avait le goût de la défaite.
— T'es juste une créature bizarre, protesta Jannn.
— On peut te maintenir ainsi toute la journée si on veut, se vanta Pirrr.
— Dommage parce que je connais plein d'histoires, déclara Merwan en relevant la tête
Une petite tentacule la lui rabattit impitoyablement sur le sol.
— « Sale gosse ! » s'écria Merwan.
A cette exclamation dans une langue qui leur était inconnue, les deux petits monstres se figèrent.
Merwan reprit :
— « Votre éducation laisse à désirer et une bonne fessée serait adaptée si vous aviez un derrière à botter ! »
— Qu'est-ce que tu dis ? demanda  Jannn.
— C'est râlant de ne pas comprendre ? Être plaqué de force à terre aussi, répondit Merwan.
— Moi, je veux maman, annonça Jannn.
— Si ce n'est pas moi, c'est quelqu'un d'autre qui viendra vous surveiller...
— C'est quoi tes histoires ? coupa Pirrr.
Merwan ne se fatigua pas à négocier sa libération et entreprit de raconter le Petit chaperon rouge, adaptant librement le conte pour le traduire en Tappelnien.

Au Zoo Interplanétaire - 84

Dans un bar, appuyés à un comptoir rafraîchissant, devant un cocktail multicolore aux milles saveurs, Zyxxx raconta à Makkk  à voix basse - pour que les autres clients n'en profitent pas - la désastreuse rencontre entre son frère, ses parents et Merwan, puis exposa ses craintes.
— Tu as raison de t'en faire. Si c'était un de mes fils, heureusement encore trop jeunes pour me faire un coup pareil, ma tentation première sera assurément de le faire rompre. En même temps, j'hésiterai aussi, ce qui te donne le temps d'arranger les choses.
— Comment ?
— Déjà, tu devrais aller leur rendre visite sans lui et mentionner ton bonheur sans forcément insister sur celui à qui tu le dois. Après quoi, le mieux serait d'organiser une seconde rencontre en terrain neutre.
— Chez toi, par exemple ?
— Exactement. Je ne cache rien à ma Sylll et elle est curieuse de faire connaissance avec celui qui t'a conquis.
— Merci.
— Autrement, pour l'autre point qui te met les tentacules en vrac, tu ne crois pas que le souci, c'est que tu gardes Merwannn enfermé ? Ça doit lui peser de vivre à tes crochets.
— Il arrive à s'occuper, mais il est vrai que c'est gênant qu'il soit aussi isolé. Cependant, son statut est particulier, comme tu le sais...
— Il ne peut ni avoir sa propre tablette ni se promener librement.
— Hélas, oui.
— J'ai peut-être une solution pour toi. Sylll peine avec Jannn et Pirrr et nous cherchons quelqu'un pour les garder et la soulager. Ton Merwannn ferait peut-être l'affaire. D'ailleurs, vis-à-vis de tes parents, ce serait sans doute mieux qu'il ait en quelque sorte un emploi.
— C'est une excellente suggestion. Je lui en parlerai. En tout les cas, je te remercie et ne sais comment te repayer.
— Commence par m'offrir ma consommation, suggéra Makkk en passant une nouvelle commande.
                                                       *
Depuis la visite du frère, du père et de la mère, Merwan n'était pas dans son assiette. Il s'était remis à faire des cauchemars où il était de retour au zoo à la merci de Tom. Il peinait à continuer à apprendre la langue utilisée par l'alliance galactique et à approfondir sa culture des aliens à tentacules. Même les films Tappelniens ne le distrayaient plus autant qu'avant.
Quand Zyxxx lui rapporta l'offre de Makkk, il faillit refuser immédiatement. Il se voyait mal garder deux petits extraterrestres. Cependant, comme il ne voulait pas se laisser guider par ses peurs et qu'aider un ami de Zyxxx, c'était indirectement rendre service à son Tappelnien bien-aimé, il se montra ouvert à un essai.

Au Zoo Interplanétaire - 83

BONNE ANNÉE 2015 - Qu'elle soit pleine d'amour sous toutes ses formes !
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Le lendemain matin, Zyxxx traîna.
— Tu ne vas pas être en retard ? demanda Merwan d'un ton soucieux.
— Non, non.
C'était faux, mais Zyxxx ne voulait pas le laisser seul. Il craignait d'une part qu'à cause de ses parents, on vienne lui enlever Merwan en son absence et d'autre part que celui-ci soit triste et que ce curieux liquide transparent s'échappe de lui.
— D'habitude, tu n'as pas autant de temps, alors, à moins que nous ne nous soyons réveillés plus tôt...
— J'y vais, mais je reviens vite, d'accord ?
— Tu ne peux pas avec ton travail. File donc, je ne bouge pas d'ici.
Zyxxx l'attrapa avec pas moins de dix tentacules et le serra étroitement. Il aurait aimé qu'il soit possible de le garder ainsi contre lui pour toujours.
Merwan reprit d'une voix faible :
— Quand j'ai dit que je préférais rentrer que rester avec toi... c'est parce que j'ai peur que tu aies des ennuis à cause de moi.
— Je ne tiens pas à avoir une vie lisse et tranquille, autrement je n'aurais pas quitté ma planète pour travailler au zoo interplanétaire. Alors, si tu souhaites mon bonheur, ne me sors plus des bêtises pareilles.
— Et toi, ne t'attires pas des problèmes pour moi.
— A ce soir, répondit Zyxxx en relâchant à regret le corps si doux de Merwan.

Son retard ne passa pas inaperçu, mais comme il n'était pas coutumier du fait, des excuses suffirent. Il dut toutefois prendre un client supplémentaire sans protester et ne put rentrer tôt.
Avec soulagement, il retrouva Merwan au logis, absorbé par le visionnage d'un film romantique. Merwan voulut éteindre l'écran plafonnier, mais Zyxxx l'en empêcha.
— Regardons-le ensemble jusqu'au bout, suggéra-t-il en se plaçant derrière Merwan, l'entourant de ses tentacules.
Il sentait que quelque chose était cassé depuis la visite de ses parents, mais savait d'autant moins le réparer qu'il ne pouvait lui-même se défaire d'une certaine inquiétude.
Tandis que les acteurs Tappelniens se disputaient les faveurs de l'héroïne, Zyxxx décida de prendre conseil auprès de son ami Makkk. Ce dernier était celui qui s'était le plus réjoui qu'il forme un nœud en dépit de l'étrangeté de son partenaire.
Dès la fin du film, par le biais de la tablette, il lui envoya un message pour fixer un rendez-vous avec lui.
Quand il reçut une réponse en fin de soirée, il prévint Merwan qu'il reviendrait tard le surlendemain sans lui préciser pourquoi. Merwan toutefois ne lui demanda rien, apparemment résolu à lui simplifier la vie en se mettant en retrait, au détriment peut-être de son propre bien-être, ce qui ne plaisait guère à Zyxxx.