Lykandré - 148

Les questions fusèrent et de nombreuses réserves et doutes furent émis. Chveuil était toutefois convaincu que ses talents d'amant et le goût du danger ferait sortir la belle Mme Trott de sa tanière. Il apparut assez rapidement qu'ils ne perdraient pas grand chose à tenter l'aventure et qu'ils y avaient beaucoup à gagner.
Oubliant qu'ils étaient toujours dans le cabinet du médecin, ils commencèrent à affiner le plan. Quand la doctoresse réapparut, ses cheveux grisonnants en désordre, elle les retrouva plongés dans une discussion animée à la laquelle Inuyume, les oreilles et la queue basse, ne participait pas.
– Si vous voulez bavarder, allez au café en bas de la rue. Maintenant, déplacez votre ami et sortez !
Komori exprima le désir de rester auprès de Tonoshi, mais la petite femme ne l'entendait pas de cette oreille et le reste du groupe non plus. L'andromorphe chauve-souris était nécessaire à la réalisation de leur plan. Il était en effet le seul qui pouvait aller porter discrètement un message à Mme Trott, le seul qui avait une petite chance de repartir sans se faire appréhender. Après que la doctoresse lui ait assuré une dernière fois que Tonoshi n'allait pas rendre l'âme et que c'était par prudence et pour qu'il se repose qu'elle le gardait, Komori se résigna à partir.
Dehors, il faisait presque nuit. Ils regagnèrent la camionnette tout en déterminant la marche à suivre. Ils étaient loin d'avoir le même avis sur la manière de procéder, mais Lykandré réussit à mettre tout le monde d'accord sur le fait que cela ne servait à rien d'anticiper trop, car la suite des opérations dépendait entièrement de ce que ferait ou non Mme Trott.
Comme il n'était pas prudent de retourner à l'appartement de Blacky puisqu'il n'était pas exclu qu'il soit sous surveillance, Danno suggéra qu'ils aillent à l'hôtel, offrant sans enthousiasme de payer de sa poche puisque Jun était à cour de liquidité. Ils  grimpèrent à nouveau à l'arrière de la camionnette en compagnie de Jun tandis que Danno faisait le chauffeur. Sans Tonoshi, ils étaient moins serrés. Cependant, ce confort relatif ne dura pas longtemps, car sur les conseils de Jun, Inuyume reprit forme humaine et se rhabilla afin de pouvoir être acceptée à l'hôtel. Indépendamment du manque de place,  l'odeur désagréable du baume étalé sur la jambe de Méroé était pénible à supporter dans l'habitacle fermé.
Tout le monde fut soulagé quand la camionnette s'arrêta et que les portières s'ouvrirent, leur permettant de respirer plus librement. Koro sortit le premier. Il était pressé d'être à l'hôtel, car il savait qu'il n'allait pas tarder à subir l'influence de la lune. Jun qui sauta à terre  juste après, jeta un coup d'œil à la façade clignotante de l'hôtel et s'écria en levant un poing furieux vers son compagnon :
– Bon sang ! Pourquoi tu nous a amenés dans le quartier des Love hotel ?!

Lykandré - 147

Danno poussa un juron et fila un coup de pied dans le meuble plus proche.
– Il faudra également me payer des dommages et intérêts, si vous abîmez quelque chose, compléta la petite femme, une pointe d'amusement dans la voix.
– Vous acceptez les paiements en nature ? demanda soudain Chveuil.
Comme la doctoresse levait un sourcil interrogateur, il ajouta :
– Même avec un bras temporairement hors d'usage, Je suis certain de pouvoir vous donner beaucoup de plaisir au lit... ou ailleurs.
Inuyume aboya son désaccord avec énergie. Lykandré se pencha et ferma la gueule de la chienne d'une main. Il n'approuvait pas la proposition de Chveuil, mais il trouvait préférable de ne pas indisposer la petite femme grisonnante qui  verrait peut-être là une occasion d'augmenter encore la dette qu'ils avaient envers elle.
– Tu parais bien sûr de toi, l'andromorphe...! J'aime autant l'argent, mais, ma foi, je veux bien tenter l'expérience. Suivant le résultat, je baisserai mon prix.
La doctoresse fit signe à Chveuil de la suivre et ils disparurent tout deux dans la pièce adjacente. L'homme loup relâcha Inuyume dont la tristesse était palpable et voulut suivre le couple afin d'empêcher que Chveuil ne paye de sa personne les soins qu'il avait reçu. Jun le retint.
– Laisse-le faire. Je roule pas sur l'or. Les trois consultations, c'est déjà bonbon, et devoir en prime acheter son silence pour éviter que Kinsue soit au courant que je fais copain copain avec des andromorphes, ça me mettrait sur la paille.
Interdit, Lykandré s'arrêta devant la porte par laquelle étaient partis Chveuil et la doctoresse. Inuyume le regardait, plein d'espoir. Méroé, lui, secoua doucement la tête avant de déclarer :
– N'interviens pas. Chez M.Ritahoro, le sexe, il n'y avait quasiment que ça. Et Chveuil, il est né dans ce milieu là. Il est peut-être conditionné, mais toujours est-il que personne ne l'a forcé à faire cette proposition. C'est un choix qu'il a fait en toute liberté, et ça c'est déjà énorme.
Ils attendirent dans un silence inconfortable. Finalement, Chveuil revint seul, l'air très content de lui. Triomphal, il annonça :
– Elle sera moins gourmande pour le prix. Elle veut que vous installiez Tonoshi dans la chambre d'à côté. Elle a promis de bien s'en occuper. Mais tout cela est sans importance, ce qui compte, c'est que je sais désormais comment renverser la situation avec M.Trott. Nous allons attirer Mme Trott hors de l'immeuble sous prétexte d'une coucherie avec moi et la capturer... A partir de là, la donne change.

Lykandré - 146

Lykandré émit un grognement découragé. Aussitôt, Méroé chuchota à son oreille :
– Qu'est-ce qui ne va pas ? Je t'écrase ?
– Pas de messe basse, moumou ! Si tu as une idée, partage-la, lança Chveuil.
– Je n'en ai pas, soupira l'andromorphe aux cheveux de neige.
– Nous n'avons aucune chance. De toute façon, même si par miracle, on parvenait à quelque chose, derrière les gens de mon village, viendront tout gâcher, annonça Koro avec pessimisme.
– Ce sont des loup-garous, c'est ça ? Ils ne pourraient pas plutôt foutre le bordel chez votre M.Trott ? demanda Jun.
Koro lui expliqua en long et en large pourquoi ce n'était pas possible, et au final, la camionette  arriva à destination sans qu'ils soient parvenus à un plan satisfaisant.
Danno vint leur ouvrir, mais refusa que l'ensemble du groupe sorte. Il s'ensuivit une discussion houleuse. Lykandré ne voulait plus se séparer de Méroé, Komori tenait à demeurer aux côtés de Tonoshi et Inuyume refusait de quitter Chveuil. Quant à Koro, il n'avait aucune envie de rester enfermé dans la camionnette, avec ou sans les autres. Jun était du même avis que son compagnon, mais il finit par céder, si bien que le groupe dans son ensemble entra dans le cabinet du docteur, une pièce encombrée de meubles blancs.
– C'est une invasion en règle, ma parole ! s'écria une petite femme grisonnante, en se redressant derrière son bureau.
– Ouais. Désolé, doc. On a trois blessés qu'on aimerait vous faire examiner, répondit Jun.
La petite femme, sans poser de questions, se dirigea droit vers l'épurateur que Komori et Koro maintenaient debout.
– Allongez-le moins sur mon lit d'examen, exigea-t-elle en designant la table matelassé qui se trouvait le long du mur.
L'homme chauve-souris et le garou s'exécutèrent. La doctoresse défit alors le pansement de fortune et examina attentivement la plaie.
– Ce n'est pas joli, commenta-t-elle, sans même chercher à savoir quel animal avait pu causer pareille blessure.
Elle nettoya, recousut et banda l'épurateur dans les règles de l'art. Elle s'occupa ensuite du bras de Chveuil, sans mot dire. Dès qu'elle en eut terminée avec lui, Méroé lui montra sa jambe. La doctoresse lui appliqua une pommade qui sentait fort mauvais et lui donna le tube en lui recommandant de s'en servir après chaque métamorphose, montrant qu'il ne lui avait pas échappé que son patient était un andromorphe.
– Combien on vous doit, doc ? demanda Jun, en glissant la main dans la poche arrière de son pantalon.
La petit femme grisonnante annonça un chiffre qui fit grimacer les deux chasseurs d'andromorphes en précisant qu'elle voulait être payée comptant comme d'habitude.
– J't'avais prévenu, grommela Danno.
– Ouais, ouais. J'ai pas assez sur moi, répondit Jun.
– Ce n'est pas grave, car de toute façon, vous allez devoir revenir. Je tiens à garder en observation votre ami qui a été méchamment mordu à la gorge. Ceci dit, si vous ne voulez pas que je parle de tout cela à votre chef, Kinsue, il faudra encore aligner quelques billets, déclara la doctoresse d'un ton tranquille.

Lykandré - 145

– Moi, je préfèrerai l'option où l'on se rend au plus vite chez le docteur, contra Chveuil.
– De même, Tonoshi est vraiment au plus mal, enchérit Komori en sortant brusquement de la chambre.
Koro eut le bon goût de ne pas protester. Jun, après s'être renseigné sur le nombre total de blessés, invita tout le monde à quitter les lieux pour se rendre chez le docteur.
Lykandré qui aurait préféré reprendre sa forme animale et passer pour un gros chien, fit l'effort de s'habiller afin de pouvoir servir de soutien à Méroé.
En un temps record, contenu de l'état de Tonoshi, ils se retrouvèrent à bord de la camionette. A l'exception de Danno qui conduisait, ils s'étaient tous tassés à l'arrière afin de pouvoir commencer à mettre au point un plan. L'épurateur avait été câlé dans des couvertures prises dans une armoire de la chambre de Bryan tandis que Chveuil avait eu le droit à deux oreillers -  un derrière le dos, un sous le bras - afin d'amortir les secousses. Méroé dont la jambe était en voie de guérison, s'était contenté de s'asseoir sur Lykandré. Cependant, ce n'était pas tant pour se protéger des vibrations que pour le plaisir de demeurer dans ses bras. Komori s'était bien entendu insallé à côté de Tonoshi et la chienne s'était couchée contre la cuisse de Chveuil. Quant à Jun et Koro, ils s'étaient chacun adossé à une des portes arrières de la camionette.
– Le souci dans votre histoire, c'est que nous sommes en position de faiblesse. Votre M.Trott, il est barricadé dans son immeuble, entouré par une armée et il tient en son pouvoir trois d'entre vous, déclara le chasseur d'andromorphe.
– Oui, c'est bien que là que le bât blesse, répondit Koro, lugubre.
– Il faudrait qu'on ait aussi un truc pour l'attirer,  continua Jun, sans se laisser démotiver.
– Ce qu'il veut, c'est Lykandré, c'est pour ça qu'il a enlevé Blacky et les deux autres, marmonna Koro.
– Nous avons déjà eu cette conversation et déjà conclu qu'il n'était pas question que Lykandré se sacrifie, s'insurgea Méroé.
– Il est possible que M.Trott soit intéressé par me récupérer. Je suis prêt à y retourner, mais seulement une fois que je serai certain que Tonoshi est hors de danger, intervint Komori.
– Hé ! J'ai jamais dit qu'on devait donner quelqu'un ou même quelque chose, juste qu'il nous fallait un appât ! s'exclama Jun qui ne s'était clairement pas attendu à provoquer une dispute.
– L'ennui, joujou, c'est que M.Trott possède tout ce qu'il désire et qu'il est plutôt du genre à se débarrasser des gêneurs en les tuant.
En les écoutant, Lykandré en venait demander s'il y avait vraiment une solution. Il avait pensé que se confronter à M.Trott avec l'aide des chasseurs d'andromorphes était la clef à leur problème, mais il réalisait à présent que cela n'impliquait pas la libération de Blacky, Colibri et Emmeline. Neutraliser M.Trott n'était pas suffisant.

Lykandré - 144

– Ouais, ouais, grommela le costaud sans aucune conviction.
– Le mail n'était pas très clair. Mais à voir le sale état de l'andromorphe aux petites oreilles rousses dans le canapé, je dirais que vous avez besoin d'un bon doc. Et ça, y a pas de soucis, on en connaît un qui soigne sans fourrer son nez partout. Quand les chasses tournent mal, pour nous ou pour nos proies, on fait appel à ses services, expliqua Jun.
– Mais c'est pas donné et j'te parie qu'ils ont pas un radis, s'insurgea Danno.
– J'paierai avec mes sous, rétorqua le brun.
Le costaud pesta à nouveau, et Lykandré qui avait commencé à comprendre à quel point l'argent était important dans le monde des humains, intervint :
– Nous n'en avons pas, mais nous pouvons vous aider à capturer un lion andromorphe...
– Qu'est-ce qu'on en ficherait si on n'a pas de client qui en veut, hein ? coupa Danno.
– Le laboratoire du doc Nakahira sera sûrement preneur. Mais je pige pas trop pourquoi tu veux infliger ça à ce lion, toi qui voulait te mettre en quatre pour sauver les autres andromorphes prisonniers chez M.Ritahoro, dit Jun.
Lykandré raconta toute l'histoire sans rien omettre. Le brun et le costaud restèrent bouche bée en apprenant que le groupe Trott n'était composé que d'andromorphes.
– C'est mauvais que ce lion andromorphe possède une identité. Sur un coup pareil, avec enlèvement, c'est les flics qu'il faudrait prévenir, conclut Jun, une fois remis de sa surprise.
– Les flics ? répéta Lykandré.
– Des gens qui font respecter la loi et rétablissent l'ordre, précisa Méroé.
Danno compléta la définition à sa façon :
– Et qui nous enverrons valser, si on leur annonce que M.Trott, un riche et puissant homme d'affaires a kidnappé un perroquet qui peut se transformer en homme, sa propriétaire et un gars qui se change en loup à la nuit tombée. Non, vaut mieux se débrouiller sans eux !
– J'savais que tu te rangerais à mes vues, susurra Jun.
– Et merde ! T'as sorti ça juste pour que j'accepte de filer un coup de main à tes copains bestioles ! Tu ne vas pas t'en tirer comme ça ! s'écria Danno en empoignant son compagnon sur les épaules.
– En échange, après, tu pourras faire tout ce que tu veux de moi, murmura Jun avec un sourire suggestif.
– Y a  intérêt, marmonna Danno en le relâchant.
– Le sexe et l'argent fait vraiment tourner le monde, commenta Chveuil.
– Non, c'est l'amour, rectifia Méroé qui avait perçu que derrière la dynamique brutale et sans fard des deux chasseurs d'andromorphes se cachait des sentiments on ne peut plus authentiques.
– N'importe quoi ! Je suis d'accord avec l'andromorphe aux petites oreilles rousses, s'exclama Danno.
– Pourrait-on dresser un plan d'attaque à présent ? s'énerva Koro.

Lykandré - 143

Chveuil, du fond de son canapé, vint ajouter son grain de sel :
– Koukou, tu ferais bien de te rappeler que sans notre intervention, tu serais toujours enfermé dans ton village. Loulou et moumou ont bien le droit de s'envoyer en l'air. Qu'ils le fassent ou non ne changera rien au fait que je ne suis pas au mieux de ma forme et que tu es frustré parce que tes retrouvailles avec Blacky ne sont pas pour ce soir. Et pour finir, c'est mon petit plaisir à moi de les asticoter, trouve toi donc un autre couple à embêter !
Les épaules du jeune homme aux yeux bleu glacé s'affaissèrent et son agressivité retomba d'un coup.
– Je regrette. Je reconnais que ma colère est injustifiée, mais entre ce M.Trott et le clan qui ne va jamais accepter mon départ, j'ai peur de ne jamais revoir Bryan et cette pensée m'est insupportable !
– Pour ton village, tu ne crois pas que tu exagères l'importance que tu as à leurs yeux, koukou ?
– J'aimerai bien, mais malheureusement, je suis né avec un pelage blanc, chose rare et...
Un bruit de sonnette interrompit l'échange. Ils se concertèrent du regard. Ni Méroé avec sa jambe défaillante, ni Chveuil avec son bras, ni Inuyume qui avait repris sa forme originelle, ni Lykandré qui était dans le plus simple appareil ne pouvait aller voir qui c'était. Quant à Tonoshi, il était allongé dans la chambre, à peine conscient et Komori avait clairement indiqué qu'il ne voulait pas quitter son chevet. Koro fut obligé de se dévouer.
Dans l'encadrement, un jeune homme brun et un grand type musclé à l'air maussade attendaient. Le brun se présenta avec un sourire :
– Bonjour, moi, c'est Jun. Et lui, c'est mon compagnon Danno. Nous venons voir Lykandré.
Koro les introduisit dans le salon. Inuyume qui s'était roulée en boule au pied du canapé, se redressa, aux auguets. Son inquiétude était palpable.
– Tu te fringues jamais ? demanda Danno en lançant un regard peu aimable à l'homme loup.
– Pas quand je n'y suis pas contraint pour une raison ou une autre, non, répondit Lykandré.
C'était bizarre de bavarder avec ses anciens ennemis qui étaient devenus ses libérateurs. Ses amis étaient plus que circonspects face à eux et une atmosphère embarrassée flottait. Danno qui semblait n'être venu là qu'à contrecoeur ne faisait rien pour arranger les choses.
– Fais pas ton jaloux. Je t'ai déjà dit et répété pourquoi Lykandré était important pour moi, déclara Jun en donnant un coup de coude à son compagnon.

Lykandré - 142

Quand Koro sortit de la salle de bain, Lykandré décida de faire également un brin de toilette. Entre son séjour en cage et la course poursuite dans la montagne, l'idée de faire trempette était plaisante. Il entra dans la pièce toute embuée, ouvrit le robinet pour remplir la baignoire d'eau et se débarrassa de ses vêtements.
Il venait tout juste de s'asseoir dans le bain quand Méroé pénétra dans la pièce en claudiquant.
– Tu veux te laver aussi ? demanda Lykandré comme l'andromorphe aux cheveux de neige ôtait ses habits.
– Je n'ai rien contre, mais je ne suis pas venu pour ça...
Lykandré, tout ruisselant d'eau, bondit hors de la baignoire et serra Méroé contre son torse avant de l'embrasser avec avidité. Il avait senti pourquoi l'homme mouton l'avait suivi dans la salle de bain, et même si ce n'était pas encore la saison, il ne pouvait s'empêcher de répondre à son désir. Après tout, rien ne disait qu'au printemps, ils seraient encore libres et vivants. Comme la dernière fois, ce n'était qu'un moment volé entre deux affrontements. Lykandré glissa les mains sur les fesses de Méroé et les caressa avec force. Le pénis de l'andromorphe aux cheveux de neige palpita contre le sien. L'homme loup souleva Méroé, le plaqua au mur carrelé et écartant ses fesses, il l'empala sur son membre. Méroé poussa un cri où douleur et plaisir se mêlaient.
– Désolé, murmura Lykandré, comprenant qu'il lui avait fait mal dans son empressement à s'unir à lui.
L'andromorphe aux cheveux de neige, aggripé à ses épaules, lui répondit par un sourire qui semblait dire que cela n'était pas grave, que c'était peu à payer par rapport au bonheur de ne former plus qu'un. Lykandré imprima au corps de Méroé un rythme de plus en plus rapide, et emportés par une même fièvre, ils atteignirent ensemble la jouissance.
Lykandré se retira alors en douceur, gardant l'andromorphe aux cheveux de neige dans ses bras.
– Et si nous nous baignions en même temps ?
Après hésitation, à cause de sa jambe blessée et du pansement, Méroé accepta. Lykandré le déposa dans la baignoire, puis se mit juste derrière l'andromorphe aux cheveux de neige qui en profita pour s'appuyer sur lui. L'homme loup évoqua alors sa vie sur l'île d'Inukotou. De son côté, Méroé parla de la ferme où il avait grandit.
Finalement, comme l'eau refroidissait, ils se lavèrent en hâte, se séchèrent, s'embrassèrent,  et quittèrent la chaleur de la salle de bain.
Dans le salon, hélas, la réalité les rattrappa.
– Vous n'avez pas honte de prendre du bon temps pendant que tout le monde souffre ? les attaqua Koro avec hargne.
Les joues blanches de Méroé prirent une teinte rosée, mais Lykandré qui lui ne s'était même pas donné la peine de se rhabiller, répondit par un simple non qui désarçonna Koro.

Contremps et projets

Désolée, pas de nouvel épisode aujourd'hui ni jusqu'à la fin de la semaine, en raison d'imprévus. La suite de Lykandré ne sera postée que lundi 23 janvier.

Pour adoucir ce retard, et parce que nous sommes arrivés dans la dernière partie de Lykandré, voici un mot sur les projets à venir sur Love Boy's Love :

*le recueil de contes est toujours au programme, et le prochain conte sur la liste est Le Beau au bois dormant

*une série de nouvelles pilotes, c'est-à-dire, des nouvelles qui pourront devenir des romans... Ce sera à vous de voter, de voir si vous préférez l'histoire avec le super héros, celle avec l'homme invisible, celle avec la gargouille, celle avec l'île et ses handicapés, ou encore celle avec les vies antérieures.

Lykandré - 141

Lykandré apprécia le soutien de l'andromorphe aux cheveux de neige, mais se sentit agacé par les autres remarques. Tout était toujours sujet à discussion, parce que personne dans le groupe ne possédait le pouvoir de décision. Autrefois, sur l'île d'Inukotou, complexé par sa différence, il n'avait jamais cherché à être l'alpha, mais tout avait changé. Tous les individus en face de lui étaient étranges à leur façon. Ils formaient un ensemble disparate qui, comme n'importe quelle meute, avait besoin d'un chef.
– Je ne dis pas que je leur fais vraiment confiance, mais je pense qu'ils nous aideront. Le brun, Jun, est également en partie un andromorphe.
A nouveau, un brouhaha s'éleva, mais Lykandré ne démordit pas de son idée, si bien que les autres finirent par l'accepter.
Tonoshi étant trop faible, ce fut une fois de plus les connaissances humaines de Méroé qui furent mises à profit. L'andromorphe aux cheveux de neige utilisa l'ordinateur de Blacky qui, par chance, marchait encore même après avoir été bousculé, pour envoyer un mail à Jun et Danno. En attendant une éventuelle réponse, ils remirent de l'ordre dans le salon dont ils relevèrent les meubles, installèrent Tonoshi sur le lit de la chambre et Chveuil dans le canapé, avant de se restaurer en vidant les placards et le réfrigérateur. Cependant, une fois qu'ils eurent repris des forces en mangeant, un nouveau débat naquit. Devaient-ils ou non rester dans l'appartement Blacky ? M.Trott le faisait peut-être surveiller et dans ce cas, rien ne garantissait qu'il n'allait pas débarquer avec sa clique et les emmener. En même temps, était-il vraiment raisonnable de déplacer une fois de plus les blessés ?
La réponse à leur mail de détresse coupa court à leurs interrogations. "Danno et moi sommes  libres, nous devrions arriver dans deux heures environ." avait écrit simplement Jun.
En entendant cela, Koro essaya une dernière fois de convaincre Lykandré de faire ce que M.Trott avait demandé plutôt que de compter sur les chasseurs d'andromorphes. L'homme loup ne changea pas d'avis. Il savait que sans Blacky, il aurait peut-être toujours été dans le laboratoire du docteur Nakahira, à la merci de Goëric et sa fascination pour le monstrueux et il avait sérieusement envisagé de sacrifier sa liberté pour celle du loup-garou noir, de Colibri et de sa maîtresse, seulement cela n'avait de sens que si M.Trott tenait parole. Or, le lion andromorphe ne faisait jamais que ce qui l'arrangeait. Il n'avait libéré les andromorphes prisonniers de M.Ritahoro que pour les utiliser dans sa guerre contre les épurateurs.
Koro, déçu mais résigné, déserta le salon pour aller se laver.

Lykandré - 140

– J'ai du mal à croire le groupe Trott capable d'une chose pareille, balbutia Inuyume.
– Et pourtant ma jolie, ne nous avait-il enfermé à leur façon ? répliqua Chveuil.
Cette capture de ses amis rappelait à Lykandré celui du jeune Azur sur l'île d'Inukotou. Les chasseurs d'andromorphe avaient procédé ainsi pour l'attirer lui. Agir comme il l'avait fait alors ne semblait pas malin, mais en même temps, Azur avait bel et bien été libéré après...
– Je n'ai plus qu'à retourner à l'immeuble du groupe Trott, annonça-t-il.
– Pas ça ! s'écria Méroé. Il risque de t'emprisonner ou pire, et rien ne l'obligera à tenir ses promesses, ajouta-t-il.
– Il y a sûrement une autre solution, approuva Komori.
– Laquelle ? Je ne veux pas être ingrat alors que vous êtes venu à mon secours, mais mes concitoyens ne sont certainement pas en train de se tourner les pouces à l'heure qu'il est, rétorqua Koro, toujours plein de colère.
– Lykandré n'a pas à se sacrifier pour autant,  protesta Méroé.
La voix étouffée et hâchée de Tonoshi qui était allongé sur la moquette, retentit alors :
– Ce qu'il faudrait, c'est se débarrasser de ce M.Trott. Les miens se feraient sûrement une joie de le faire, seulement...
– Ne t'épuise pas à parler, déclara Komori avec anxiété.
– Le problème, c'est que si nous les contactions, ils seraient également ravis de vous éliminer, termina Tonoshi, en grimaçant de douleur.
– Ils te soigneraient au moins, dit l'homme chauve-souris, en posant la main sur la joue de l'épurateur.
– J'ai trahi, alors, non, souffla Tonoshi.
L'intervention de l'épurateur avait fait germer une idée dans la tête de Lykandré. Jun, Danno et leurs camarades seraient peut-être intéressés par le lion andromorphe. Après tout, leur travail consistait à attrapper les andromorphes et à les vendre. Et même sans ça, Jun avait donné à l'homme loup un moyen de le contacter s'il avait besoin d'aide. Or, c'était le cas.
Quand il l'annonça au groupe, les réactions furent mitigées :
– Loulou, tu es certain qu'ils ne vont pas plutôt nous donner au plus offrant ?
– Je ne veux plus jamais remettre les pattes au laboratoire Nakahira, affirma Inuyume en frissonnant.
– Cela me semble risqué, enchérit Komori.
– Comment peux-tu te fier à des gens qui t'ont enfermé ? demanda Koro, incrédule.
– Au moins, ils ne tueront personne, murmura Tonoshi.
– Plutôt que tu retournes seul à l'immeuble du groupe M.Trott, mieux vaut ça ! s'exclama Méroé.

Lykandré - 139

Ils arrivèrent en début d'après-midi à l'immeuble où résidait Blacky, las et affamés. Ils avaient dû marcher depuis la gare, aucun taxi n'ayant bien voulu d'eux. Il faut dire qu'ils étaient nombreux et que leur groupe insolite n'inspirait guère confiance.
Comme il faisait grand jour, ils durent procéder discrètement pour entrer par la fenêtre que Blacky laissait toujours ouverte, à l'arrière. Koro passa le premier et poussa une exclamation de surprise en voyant le salon  sens dessus dessous : les meubles étaient renversés et des débris étaient éparpillés sur la moquette. Il prévint les autres et enjamba à nouveau la fenêtre,  mais Lykandré qui ne l'entendait pas de cette oreille, le repousa fermement dans la pièce.
– Ce n'est pas en restant dehors qu'on saura ce qui s'est passé et de toute façon, ce n'est pas comme si nous avions un autre endroit où nous réfugier.
Koro l'admit à contrecoeur.

 Une fois qu'ils furent tous réunis à l'intérieur, Lykandré mit à profit son flair. Cependant son enquête olfactive ne lui apprit rien. L'odeur de Blacky qui imprégnait tout l'appartement masquait les autres, preuve que les personnes à l'origine des dégâts les avaient causés depuis un moment déjà.
– Alors ? murmura Méroé anxieusement, dès que Lykandré cessa de renifler les coussins du canapé.
– Pas de piste.
Koro qui avait été fouiller les autres pièces de l'appartement, revint de la cuisine avec un papier à la main.
– Les responsables de ce saccage ont laissé un mot à ton intention, Lykandré. Ils ont enlevé Blacky, une jeune femme et son perroquet et les retiennent en otage, par ta faute !
Les yeux bleu glacé du jeune homme lançait des éclairs, et il jeta furieusement le message en direction de l'homme loup. Ce retardement dans ses retrouvailles avec son compagnon le mettait hors de lui. Le papier tomba aux pieds de Lykandré, mais celui-ci ne fit pas un geste pour le récupérer, sachant qu'il serait bien peine de le déchiffrer. Méroé le ramassa à sa place et le lut à haute voix :
– Cher Lykandré,
Je me demande comment tu as pu croire qu'en partant sans notre autorisation, tu allais t'en tirer comme ça. Nous avons capturé tes amis – le garou, le perroquet et sa maîtresse. Si tu veux qu'ils recouvrent la liberté, présente-toi au plus vite à l'accueil de l'immeuble. Si jamais nous te retrouvions avant que tu ne sois venu de ton plein gré jusqu'à nous, je ne garantis de rien. J'ai été déjà trop clément par le passé avec toi.
M.T.
– On dirait que M.Trott n'a pas digéré notre fuite. Enfin, surtout la tienne, loulou, commenta Chveuil.

Lykandré - 138

Savoir s'ils devaient se déguiser ou non les occupa jusqu'à la gare. Ultimement, ils y renoncèrent car, avec les blessés, c'était trop compliqué. Même Koro dut admettre qu'ils n'avaient guère le choix et il se raccrocha à l'espoir que ses concitoyens éviteraient de causer un scandale en les attaquant en public.
Au final, ses craintes se révèlerent vaines. Nul villageois du clan des loup-garous ne vint les empêcher de prendre le train. Néanmoins, cela ne suffit pas à rassurer Koro dont les yeux bleu glacé restèrent sombres.
– C'est parce qu'ils se doutent que je vais bêtement retourner dans la ville où ils m'ont récupéré qu'ils ne se sont pas donnés la peine de nous cueillir sur le quai, soupira-t-il tristement au moment où le train quittait la gare.
– Ils ont très bien pu ne pas réussir à nous rattraper. Tu as dit toi-même qu'ils n'étaient pas motorisés, répliqua Komori, sans détourner  son regard Tonoshi dont la respiration était faible.
– Pense à tes retrouvailles avec ton cher et tendre, et cesse de nous enquinner, cracha Chveuil.
Ils étaient tous installés face à face dans le compartiment de train, ce qui leur permettait de discuter tous ensemble - et de se disputer aussi.
– Il faudrait que nous trouvions quelqu'un capable de soigner Chveuil et Tonoshi, dès notre arrivée, intervint Inuyume qui cherchait clairement à faire dévier la conversation sur un terrain moins sensible.
– Ce n'est pas possible, en tout cas, pas pour le cheval écureuil, un médecin verrait qu'il est différent, contra Komori.
Chveuil n'apprécia évidemment pas et il lança un de ses commentaires acerbes dont il avait le secret. Lykandré résista de justesse à l'envie de prendre Méroé par la main et de s'éloigner du groupe. Il était fatigué et il aspirait au calme. Même sans barreaux autour de lui, il était quelque part encore prisonnier, enfermé dans une machine humaine, privé de la terre et du vent, au milieu d'une meute étrange...
– Ça suffit maintenant ! Nous verrons quoi faire quand nous serons chez Blacky, aboya-t-il.
Son éclat soudain ramena le silence. Chveuil ouvrit la bouche comme pour protester, mais Méroé prit la parole en premier :
– Nous ne pouvons en effet rien faire tant que nous sommes dans le train et même après, vu que nous ne connaissons aucune adresse de médecin, le mieux est de nous rendre chez Blacky. Pour l'heure, nous avons intérêt à nous reposer un peu, la nuit a été longue et épuisante.
Le coeur en fête d'avoir été si bien compris, Lykandré embrassa bruyamment Méroé.
– Il est préférable d'éviter de faire ça. L'homosexualité est mal perçu par les humains en général, annonça Komori.
A regret, l'homme loup détacha ses lèvres de celles de Méroé, se rencoigna dans son siège et ferma les yeux. Bientôt, ils seraient tranquilles, chez Blacky.

Lykandré - 137

L'andromorphe aux cheveux de neige fit ronronner le moteur et câla de suite. Sans se laisser décourager par ce faux départ, il recommença la manoeuvre et ce second démarrage fut le bon. Lykandré, assis sur le siège avant, à côté du chauffeur, ne regarda pas défiler le paysage comme à son habitude, mais fixa son attention sur le profil de Méroé qui était très concentré sur sa conduite. L'homme loup se rendait enfin compte qu'il avait sous estimé l'andromorphe aux cheveux de neige jusque là. Certes, le mouton était faible physiquement, c'était sa nature, mais il avait de la ressource. L'instinct protecteur que Lykandré ressentait à son égard n'avait peut-être pas lieu d'être.
Même si l'andromorphe aux cheveux de neige ne conduisait pas aussi vite que l'épurateur, ils arrivèrent rapidement et sans encombre à l'amas de rochers où Inuyume et Chveuil attendaient. La femme chien et Komori reprirent leurs formes originelles afin de prendre moins de place dans la voiture, mais même comme ça, ils étaient l'étroit. Dans l'habitacle, personne n'était d'humeur à parler, excepté Koro qui semblait évacuer son stress en racontant tout ce qui lui passait par la tête.
Quand ils entrèrent en ville, Méroé eut un moment de panique, car si suivre la grand route n'était pas trop dur, la conduite en ville était différente et en plus, il ne savait pas où aller pour rendre la voiture. Komori qui était accroché sur le dossier du siège de Lykandré vint se métamorphoser sur les genoux de ce dernier et ayant effectué les repérages dans la ville avec Tonoshi, il put guider Méroé. L'andromorphe aux cheveux de neige, les mains crispées sur le volant, suivit à la lettre les indications de Komori et se gara non loin de l'agence de location, en évitant de justesse d'emboutir un autre véhicule dans le processus. Ensuite, chacun s'efforça de se rendre le plus présentable possible et ils quittèrent la voiture. Komori partit prévenir l'agence tandis que le reste du groupe se dirigeaient vers la gare. Lykandré et Koro maintenaient Tonoshi debout entre eux. Méroé était soutenu par Inuyume. Chveuil, le bras en écharpe, marchait seul, les dents serrées.
– Mes concitoyens doivent être déjà là-bas, se désespéra Koro.
– Quelqu'un peut faire taire koukou ? Il ne cesse de jacasser depuis tout à l'heure, et c'est pénible, grommela Chveuil.
– Il a le droit de se faire du souci. Nous devrions peut-être nous déguiser, déclara Méroé.
– Ils nous reconnaîtront à l'odeur de toute façon, grogna Lykandré.
– Non. Le jour, notre odorat n'est pas meilleur qu'un humain normal, affirma Koro.
Un gémissement de Tonoshi interrompit leur discussion. Ils s'arrêtèrent, puis, comme l'épurateur n'ouvrait pas les yeux, ils reprirent leur marche.

Deux rues plus loin, Komori les rattrapa en courant et insista pour soutenir Tonoshi à la place de Lykandré. L'homme loup en profita pour servir de soutien à Méroé. Inuyume s'empressa alors de proposer son bras à Chveuil qui commença par le refuser avant de finalement le prendre.

Lykandré - 136

– Où sont Tonoshi et le compagnon de Blacky ? demanda l'homme chauve-souris en se frottant les épaules pour se réchauffer.
Lykandré articula du mieux qu'il put qu'ils étaient plus loin, coincés dans la voiture, car l'épurateur, attaqué par un loup-garou, n'était plus en mesure de conduire. Komori pâlit en apprenant cela et transmit à son tour les dernières nouvelles. Inuyume, Méroé et Chveuil étaient à l'abri des regards et du vent derrière un amas de rochers à quelques mètres de là. Le cheval écureuil était également blessé. Un loup-garou plus rapide que les autres les avaient rattrapés. Chveuil avait protégé ses compagnons et mis hors d'état de nuire leur poursuivant en le fouettant à plusieurs reprises avec ses cheveux, mais il s'était fait mordre le bras jusqu'à l'os.
Dès qu'il eut fini son rapport, l'homme chauve-souris se métamorphosa en un éclair et partit à tire d'ailes, sans aucun doute anxieux de voir dans quel état se trouvait Tonoshi. De son côté, Lykandré se précipita à l'endroit indiqué par Komori.
Assis par terre, Méroé et Inuyume, sous leurs formes humaines, encadraient Chveuil dont le bras était grossièrement bandé par un tissu teinté de rouge. Méroé, malgré son pansement défait et son visage sombre, avait l'air en forme. Quand il vit le loup, ses traits s'illuminèrent. Lykandré le gratifia d'un coup de langue joyeux et affectueux, puis écorchant chaque syllabe, il répéta ce qu'il avait dit à l'homme chauve-souris.
– C'est terrible, qu'est-ce qu'on va faire ? gémit Inuyume.
– Je ne sais pas, mais cela ne sert à rien de se lamenter, grommela Chveuil qui semblait avoir encore assez d'énergie pour râler.
– Malgré ma jambe abîmée, je pense pouvoir conduire, mon père adoptif m'a appris lors de mes seize ans afin que je l'aide avec le tracteur. Je me rappelle comment faire, même si je n'ai pas pu pratiquer depuis longtemps, annonça Méroé.
Cela arrangeait grandement leurs affaires. Lykandré invita Méroé à s'installer sur son dos afin qu'il le transporte le plus rapidement possible à la voiture pendant qu'Inuyume et Chveuil les attendaient sur place.
L'andromorphe aux cheveux de neige n'était pas léger, mais son poids et sa chaleur était réconfortant après leur longue séparation.
Sur le trajet, Méroé, les bras noués autour du cou du loup, raconta leur folle course dans la montagne et la bravoure dont avait fait preuve Chveuil. Sans lui, il aurait terminé dans l'estomac du loup-garou.
Dans la voiture, Tonoshi, toujours inconscient, avait été allongé sur la banquette arrière et sa tête reposait sur les genoux de Komori. Koro s'était habillé et s'était assis devant le volant, cherchant sûrement à faire fonctionner l'engin. Il céda volontiers sa place quand il apprit que Méroé savait conduire.

Lykandré - 135

– Peut-être pourrions-nous tout tenter de démarrer et diriger le véhicule ? suggéra Koro.
Cela ne disait rien à Lykandré qui poussa un grognement pour marquer son manque d'enthousiasme.
– Tu as une meilleure idée ? demanda le jeune homme après un soupir.
Lykandré se gratta l'arrière du crâne. Il restait persuadé que le mieux était de ranimer Tonoshi, le seul capable de conduire la voiture. Lui, tout ce qu'il voulait, c'était rejoindre Méroé le plus vite possible...
– Je devrais partir pour retrouver les autres pendant que toi tu t'efforces de faire revenir à lui notre conducteur.
– Je préfèrerai que nous inversions les rôles...
– En tant que loup, j'irais plus vite que toi et surtout mes poils me protègeront du froid.
– C'est vrai que tu peux te transformer quand tu veux. J'avais oublié. Toujours est-il que je ne veux pas attendre sans bouger que mes concitoyens viennent me récupérer et me ramener de force au village. Surtout que je ne vois pas ce que je peux faire pour réveiller notre beau bois dormant, je ne vais tout de même pas lui donner une paire de claques alors qu'il est en train de se vider de son sang !
L'homme loup se rappela alors que Tonoshi n'avait pas dit qu'ils devaient repasser à l'hôtel, ce qui signifiait que quelque part dans la voiture devait se trouver leurs affaires - quelques vêtements et la trousse de soins ! Il s'empressa de communiquer l'information à Koro.
– Parfait ! Je vais fouiller le coffre et me débrouiller avec son contenu. Si tu n'es pas revenu dans une demi-heure et que ton ami est toujours inconscient, je m'en irais.
Lykandré ne chercha ni à le dissuader ni à lui faire valoir qu'il serait mal venu d'abandonner dans cet état quelqu'un qui l'avait libéré. Il quitta la chaleur de l'habitacle et se transforma en hâte pour échapper à la morsure du vent. Il fila ensuite comme une flèche sans se retourner. La pensée qu'il allait revoir Méroé lui donnait des ailes et ses pattes volaient presque au-dessus du bitume. Tout en courant, il flairait l'air, en quête de l'odeur de l'andromorphe aux cheveux de neige, sans pouvoir s'empêcher de craindre qu'il ait été attrapé et dévoré par les loup-garous du village.
Il était en route depuis près d'un quart d'heure quand le ronronnement d'un moteur lui fit dresser les oreilles. Un rapide coup d'oeil à l'arrière lui apprit qu'il ne s'agissait hélas pas de la voiture louée par Tonoshi, mais d'un camion. Il se mit prudemment sur le bas côté et continua à avancer.
Peu de temps après, il sentit que Méroé était tout proche. Cependant, au même moment, une boule grise fondit sur lui et Komori apparut devant son museau sous sa forme humaine, comme sorti du néant.

Lykandré - 134

Enfin, ils arrivèrent à la voiture. Lykandré fut obligé de crier derrière Koro qui l'avait dépassé, ne sachant pas que le véhicule apparemment abandonné sur le bas côté de la route était là pour eux. Tonoshi, blanc comme un linge, ses habits tachés du sang qui coulait le long de son cou ouvrit les portières. Lykandré et Koro s'installèrent tant bien que mal à l'arrière. Tonoshi referma derrière eux et se glissa sur le siège du conducteur. Une douzaine de loup-garous terminaient de dévaler la pente. Tonoshi démarra la voiture et commença à s'éloigner, leurs poursuivants à leurs trousses.
– Ils ne nous lâcheront pas, annonça Koro.
– Ils seront bien obligés, le jour va se lever et le pouvoir de la lune ne sera plus assez fort, répliqua Tonoshi d'une voix faible.
– Ça, mon corps le sent. Mais même s'ils sont forcés d'abandonner maintenant, ils reviendront à la charge. Nous avons tué un ancien du village. Ils voudront se venger et me récupérer pour que j'accomplisse mon devoir...
La phrase de Koro se termina dans un gargouillis de syllabes inintelligibles tandis que sa gueule se rétractait. Il reprenait forme humaine. Sur la route, au loin, les autres loup-garous s'étaient arrêtés de courir. Eux aussi, ils se métamorphosaient. Lykandré qui avait pris l'habitude de se transformer en même temps que Koro, prit également apparence humaine et, plus à l'aise pour parler sous cette forme, demanda immédiatement des informations sur Méroé et le reste de la bande. Avec effort, Tonoshi lui répondit :
– Nous devrions les retrouver sur cette route. Il faudra se débrouiller pour que tout le monde tienne dans la voiture. Je n'ai pas pu en louer une plus grande. De retour en ville, nous irons la rendre avant de prendre le train.
– Nous ferions mieux de garder la voiture et de mettre le plus de distance possible entre mes concitoyens et nous, autrement, ils risquent de nous intercepter à la gare, objecta Koro.
– Ce n'est pas le plan, et si tu n'es pas content, libre à toi de descendre, s'énerva Tonoshi.
Cet accès de colère priva l'épurateur de ses dernières forces. Les mains tremblantes, il freina brutalement avant de s'écrouler sur le volant, inconscient.
– Tu sais conduire cet engin ? s'enquérit Lykandré.
Koro secoua vivement la tête.
– Les voitures font partie des choses interdites au village.
L'homme loup se faufila sur le siège avant, redressa Tonoshi et essaya de le ranimer en lui léchant le visage. Comme il n'obtenait aucun résultat, leur déstastreuse situation lui apparut dans tout son horreur : ils étaient nus avec un blessé dans un véhicule qu'ils étaient incapables de faire bouger alors que dehors, il faisait froid, qu'ils étaient poursuivis et que Méroé et les autres devaient être en difficulté.

Lykandré - 133

Un vieux loup-garou qui avait su résister à l'odeur alléchante du mouton apparut alors au détour d'une maison. Il sauta par surprise sur l'épurateur qui sortit son arme et tira sur lui, avant de s'effondrer sous le poids de son attaquant qui le prit à la gorge. Lykandré revint sur ses pas pour lui porter secours. Koro l'imita, mais pas assez rapidement pour éviter au loup andromophe un méchant coup de patte. Lykandré ne s'était pas encore complètement remis de son précédent combat. Le vieux loup-garou, lui, bien qu'ayant été touché à l'épaule, était encore prêt à en découdre.
– Tu es vraiment tombé bien bas, Koro, pour oser mêler des étrangers à ce qui ne concerne que notre village, cracha-t-il, en bondissant sur le loup-garou blanc.
Koro s'écarta pour l'éviter et répliqua :
– Je me contente de profiter de l'opportunité.
Les deux loup-garous se tournèrent alors autour, se jaugeant. Pendant ce temps, Tonoshi, le cou en sang, se releva et utilisa à nouveau son arme. Il toucha cette fois le vieux loup-garou à la tête. Ce dernier, trop accaparé par Koro, avait oublié qu'il avait deux autres adversaires. Il s'écroula sur le sol avec un grognement.
– Tu ne l'as pas tué quand même ?! s'écria Koro.
Lykandré ne partageait pas l'indignation du loup-garou blanc. S'il n'était pas intervenu quelques minutes plus tôt, le vieux garou aurait tranché la gorge de l'épurateur.
– Rrrrrestons pas là, grogna-t-il.
– Les coups de feu vont attirer les villageois qui n'ont pas pris Méroé en chasse et faire revenir les autres, enchérit Tonoshi d'une voix essoufflée.
– Le prix de la liberté est bien amer, murmura Koro, et détournant son regard du vieux garou, il repartit à vive allure.
Ils dépassèrent les dernières maisons du village sans plus se faire attaquer. Au-dessus d'eux, le ciel commençait à s'éclaircir. Ils continuèrent de s'éloigner. Tonoshi qui perdait du sang, progressait de moins en moins rapidement. Au loin, des hurlements de loup-garous se firent entendre. Leur fuite avait été découverte et ils pouvaient encore les rattraper. Lykandré s'arrêta et suggéra à Tonoshi de lui grimper dessus, mais l'épurateur refusa.
– Une voiture que j'ai loué nous attend en bas, sur la route. Je devrais pouvoir tenir jusque là.
Lykandré n'insista pas, car il ne tenait pas à l'avoir sur le dos, mais resta à son niveau, au cas où il changerait d'avis. Koro, pour sa part, faisait cavalier seul, loin devant, dévalant la pente montagneuse avec aisance. Derrière eux, Lykandré entendait leurs poursuivants se rapprocher. Cependant, il était plus soucieux du sort de Méroé que du sien. Comment le mouton, la petite chienne et Chveuil avaient-ils pu s'en sortir avec des loup-garous à leurs trousses alors qu'eux-mêmes étaient en difficulté ?

Manga Yaoi en janvier 2012

Une nouvelle année, de nouveaux yaoi !

Chez Asuka, c'est simple et sobre avec une série qui se termine et une autre qui continue :

Le 18 janvier : Yebisu Celebrities - Tome 5 de Fuwa Shinri et Kaoru Iwamoto

Le 25 janvier : Junjou Romantica - Tome 7 de Shungiku Nakamura

Chez Taïfu Comics, du choix, comme toujours, avec 4 nouveaux one-shots et 2 suites de séries :

Le baiser du sang de Makoto Tateno (mangaka de Yellow) : un vampire qui hante les rêves

Tandem de Kano Miyamoto (mangaka de Touch of Pain) / 2 histoires, la principale avec deux détectives

You and me etc de Kyugo (mangaka de Acid Town) / 3 histoires, la principale avec deux amis d'enfance amateurs de baseball devenus distants après un grave accident

Attrape-moi de Honjou Rie / 2 histoires, la principale concernant deux personnages secondaires du one-shot L'Amour te va si bien

Gravitation Remix - Tome 2 de Maki Marakami : composé de doujinshis de la mangaka qui offre une succession de scènes de sexe avec différents couples.

Hana wa saku ka - Tome 2 de Shoko Hidaka (mangaka de Visages Inconnus, Restart et Après l'orage) : un trentenaire fou du travail et un étudiant, entre attirance et mésentente

Total : 8 sorties : 7,5 x 2 (Asuka) + 8,95 x 6 (Taïfu) = 68,7€

Lykandré - 132

La seizième nuit de son arrivée au village, Lykandré resta aux aguets tandis que Koro sommeillait. A travers les barreaux de la cage, derrière les carreaux de la fenêtre, la lune luisait faiblement. Tout était calme, comme toutes les autres nuits. Malgré tout, Lykandré, les oreilles dressées, les narines ouvertes, était à l'affut des plus petits bruits, des plus légères odeurs. Au bout de longues heures, sa vigilance fut récompensée. Il y eut un léger mouvement à la fenêtre, puis un craquement à la porte qui s'ouvrit sur une ombre humaine au-dessus de la tête de laquelle voletait une chauve-souris. Tonoshi et Komori. Lykandré laissa échapper un jappement de joie qui réveilla Koro.
– Ce sont tes amis, Lykandré ?
Le loup n'eut pas le temps de répondre, Tonoshi le fit à sa place avant d'exiger le silence. C'était trop demander à Koro qui eut tôt fait de se présenter en détail. L'épurateur lui fit signe de se taire en posant un doigt sur ses lèvres, puis s'attaqua à la serrure de la cage de Lykandré avec un fil de fer. Koko, après s'être tu quelques minutes, se mit à interroger Tonoshi qui finit de guerre lasse par répondre à ses questions à voix basse, tout en continuant à jouer du fil de fer.
– Puisque tu insistes pour tout savoir... Nous avons pu nous introduire dans le village sans nous faire appréhender, car comme prévu, les loup-garous n'ont pas pu se retenir de prendre en chasse un mouton claudiquant. L'instinct est une chose terrible.
Lykandré n'accueillit pas la nouvelle sans inquiétude. Un mouton qui boîtait, cela ne pouvait être que son Méroé !
– Trrrrop dangerrrreux, grogna-t-il.
– C'est Méroé lui-même qui a proposé cette solution. Il s'est montré seul pour les attirer, mais Chveuil et Inuyume étaient cachés non loin, et ils le portent... répondit Tonoshi.
Dans un dernier cliquetis, la serrure céda et la cage fut ouverte. Lykandré en sortit précipitamment sans parvenir à se réjouir d'avoir recouvré sa liberté. Il savait qu'ils étaient encore loin d'être tirés d'affaire et surtout, il était inquiet pour Méroé. S'il n'avait pas craint ruiner les efforts de ses amis, il se serait rué dehors pour essayer de le rejoindre. Avec une impatience grandissante, il regarda Tonoshi trafiquer la serrure de la prison du loup-garou blanc aux yeux bleu glacé. Koro dont la curiosité avait été partiellement satisfaite ne parlait plus. Enfin, Tonoshi triompha une fois de plus et Koro bondit hors de sa cage. Sans plus perdre de temps, ils quittèrent le bâtiment. Dès qu'ils furent dehors, Komori partit comme une flèche pour prévenir Méroé, Chveuil et Inuyume de leur réussite. De leur côté, Koro, Lykandré et Tonoshi se mirent à courir vers la sortie du village. Le loup-garou blanc qui connaissait mieux les lieux et était plus rapide, avait pris la tête. Lykandré avait du mal à le suivre et Tonoshi encore plus.