mardi 25 janvier 2011

Fleur Bleue - 18

Après avoir lu deux histoires à Misha, Vlad déposa un baiser sur son front, le borda et gagna sa chambre. La journée avait été fatigante et c'est avec bonheur qu'il se déshabilla et se glissa entre les draps.
Il jeta un coup d'œil au roman policier qui trainait sur sa table de chevet, mais ne le prit pas. Il n'avait pas envie de lire. Il éteignit la lampe et ferma les yeux, décidé à dormir. Cependant, le sommeil ne vint pas de suite. Dans sa tête, les souvenirs de la journée écoulée défilaient.
Grâce à l'instituteur de Misha, l'ambiance avait été joyeuse. Sa présence qui aurait pu être dérangeante, s'était révélée très agréable. Grâce à lui, l'absence de Katia avait été moins douloureuse. « C'est important la musique pour se mettre dans l'ambiance de Noël », avait-il dit, exactement comme sa femme se plaisait à lui répéter chaque année, refusant que les disques de Noël soient écoutés en dehors des mois de décembre et janvier.
Vlad se tourna à droite du lit, vers la place où Katia aurait dû être si elle n'avait pas trouvé la mort dans ce triste accident, et caressa le drap froid. Qu'aurait-elle pensé de M.Yamatatomo ? Sans aucun doute, elle l'aurait apprécié et aurait été ravie que son fils ait un professeur si gentil. Oui, Ludovic était sympathique. Il avait donné un coup de main efficace sans s'imposer. A part pour le sapin qu'il avait tenu à monter, il les avait laissés, lui et Misha, diriger les opérations...
Il y avait juste eu un moment un peu étrange quand Vlad s'était bêtement blessé avec les ciseaux. Ludovic l'avait dévisagé avec une intensité dérangeante, ses yeux bleus brillants, presque fiévreux et Vlad n'avait pu s'empêcher de se demander si M.Yamatatomo n'avaient pas des vues sur lui.
Cependant, avec le recul, il se trouvait idiot. Un regard scrutateur n'implique pas forcément un intérêt mal placé. Katia lui avait raconté qu'elle avait été plusieurs fois critiqué durant son adolescence parce qu'elle « dévorait des yeux les gens comme si elle voulait lire en eux » alors que c'était simplement sa manière à elle de regarder. C'était peut-être aussi le cas de Ludovic.
Non, il n'y avait aucune raison pour que le jour de Noël ne se déroule pas aussi bien que cette journée passée à décorer la maison. Sur cette pensée réconfortante, Vlad s'endormit.
_________
Prochain épisode : 1er février...
Vlad, à son réveil, aura le droit à un coup de fil de ses beaux-parents...

lundi 24 janvier 2011

Fleur Bleue - 17

– Tu te rappelles du petit garçon dont je t'ai parlé qui racontait à qui voulait l'entendre que son papa avait embrassé le père Noël et le fait que la directrice m'a obligé à convoquer son père ?
Aoki eut un sourire narquois.
– Ouais. C'était bien drôle. C'était d'ailleurs pas aujourd'hui qu'avait lieu l'entrevue ? Attends, une minute... C'est lui qui t'a lancé une invitation pour Noël ? L'histoire du gosse était véridique, alors ?
– Non, pas du tout.
Ludovic expliqua ce qui s'était passé avec M.Glonorov. Quand il eut fini, Aoki réagit comme il s'y attendait.
– Après Jérôme, comment peux-tu encore t'embarquer dans ce genre de galère ? Les hétéro ne deviennent pas homo. Un point, c'est tout. T'es franchement fleur bleue, mon pauvre Ludo !
– Je préfère « incurable romantique » comme terme.
– Appelle ça comme tu veux, le résultat est le même, répliqua Aoki en brandissant un index accusateur.
– Je ne commettrai pas les mêmes erreurs. Je n'attendrais pas trois ans pour avouer ce que je ressens. Comme ça, je pourrais être rejeté et passer à autre chose.
Ludovic corrigea mentalement « enfin essayer. »
– Tu ferais aussi bien de laisser tomber d'office.
– Et toi, d'accepter de rencontrer la famille de Tony.
Ils s'affrontèrent du regard un instant, puis Aoki se mit à rouler exagérément ses yeux dans ses orbites et Ludovic éclata de rire.
Son ami arrêta de faire le pitre, et demanda avec gravité :
– Tu crois vraiment que je devrais le faire ?
A son tour, Ludovic redevint sérieux.
– Si tu aimes Tony, oui, tu pourrais faire un effort. C'est normal de vouloir présenter son amoureux à ses parents.
– Tout de même, il exagère de faire passer son boulot avant nos vacances en amoureux.
– Je ne connais pas les détails. Mais, à sa place, est-ce que tu n'en aurais pas fais autant ? Toi aussi, tu tiens à ton job.
– C'est vrai, soupira Aoki avant de changer de sujet et de l'interroger plus en détails sur Vlad et son fils.
Cependant, dès que Aoki eut terminé sa bière, il se leva et déclara :
– Bon, j'y vais. Je retourne chez Tony.
– Tu veux que je te raccompagne ?
– Non, ne t'en fais pas. Je ne suis pas venu en bus. J'étais furieux et j'ai emprunté la voiture de Tony.
– J'espère que les choses vont s'arranger.
– Et moi que tu ne vas pas trop souffrir de ta nouvelle folie. Merci de m'avoir écouté !
En refermant la porte sur son invité surprise, Ludovic secoua légèrement la tête, amusé. Aoki ne tenait jamais bien longtemps en place et préférait se déplacer plutôt que de téléphoner. Du temps où ils étaient ensemble à l'école, son ami se trémoussait sans cesse sur sa chaise et se faisait gronder par le professeur. C'était en son souvenir que Ludovic se montrait indulgent avec les élèves qui s'agitaient au bout d'une demi-heure, incapables de rester tranquillement assis.

vendredi 21 janvier 2011

Fleur Bleue - 16

Aoki agita les bras furieusement et répondit d'un ton exaspéré
– Ne m'en parle pas !
Ludovic, habitué aux humeurs de son ami qu'il connaissait depuis l'enfance, haussa les épaules et le fit entrer. Il était sûr qu'Aoki finirait par tout lui raconter. S'il n'avait pas eu envie de se confier, il ne se serait pas donné la peine de faire le déplacement.
– Tu veux boire quelque chose ? proposa-t-il.
– Tu as de la bière ?
– Bien sûr. Attends-une minute.
Ludovic se rendit dans la cuisine, sortit une cannette du frigo, un verre du placard et retourna dans le salon.
Aoki s'était confortablement installé dans le fauteuil en face de la télé et s'était mis à la regarder. Ludovic le servit et lui tendit le verre. Aoki le prit, puis, faisant comme s'il était chez lui, il attrapa la télécommande sur la table basse à droite du siège et éteignit le poste. Il but distraitement une gorgée, puis demanda de but en blanc :
– Tu n'as toujours rien de prévu pour Noël ?
Devinant que la réponse attendue était un oui franc et massif, Ludovic choisit d'éviter de répondre frontalement.
– Pourquoi ? Ta semaine à Venise en amoureux n'est plus à l'ordre du jour ?
– Non, elle est tombée à l'eau. Annulée.
– Par qui ? Toi ou Tony ?
– Tony.
– Et pour quelle raison ?
Aoki termina son verre d'un trait.
– Un truc de boulot. Il ne peut plus partir. Bref, sa solution de remplacement : passer Noël dans sa famille. Tu imagines le cauchemar ? J'ai refusé, bien sûr.
– C'est plutôt sympathique qu'il ait envie que tu rencontres ses parents, non ? En plus, d'après ce que tu m'as rapporté, ils n'ont aucun souci avec l'homosexualité de leur fils, me semble-t-il.
– Je m'en fiche. Je ne veux pas les voir. Je ne suis pas une bête de foire.
Ludovic grimaça. Aoki était toujours un peu extrême.
– Mais cela va faire un an que tu es avec Tony. Il faudra bien que tu fasses leur connaissance un jour, tout de même.
– Non, je crois que les choses vont s'arrêter là. Nous pourrons ainsi passer Noël ensemble, en célibataires. Nous nous étions bien amusés l'année dernière.
– Je ne suis plus libre, avoua Ludovic. Je pourrais annuler, remarque, ajouta-t-il en voyant les épaules de son ami s'affaisser.
– Tu t'es trouvé quelqu'un ?
– Pas exactement. Un père d'élève m'a invité.
– Hein ?

jeudi 20 janvier 2011

Fleur Bleue - 15

Après la confection des guirlandes, ils s'attaquèrent au sapin. Puis, dans la pénombre de la nuit tombante, ils s'occupèrent des décorations extérieures avant de peindre sur les vitres.
Quand Ludovic vit qu'il était près de vingt heures, il eut du mal y croire. L'après-midi avait filé en un éclair. Hélas, la maisonnette était à présent décorée pour les fêtes et il était temps de prendre en congé.
– Je vais y aller, il est l'heure de dîner, déclara-t-il.
– Papa, M.Yamatatomo ne peut pas rester manger avec nous ? demanda spontanément l'enfant en se tournant vers son père.
– Voyons, il faut laisser ton instituteur rentrer chez lui, répondit Vlad en ébouriffant avec tendresse les cheveux blond pâle de son fils.
Ludovic qui aurait bien eu envie de demeurer un peu plus longtemps en compagnie du père et de l'enfant fut déçu que Vlad ne cherche pas à le retenir, mais il n'essaya pas de s'imposer.
Il reconfirma l'heure à laquelle il devait venir le 24 décembre, enfila son manteau et ses chaussures et s'en fut, regrettant que la mode de se serrer la main pour se dire au revoir se soit perdue et que la bise ne se fasse pas entre hommes.
De retour chez lui, il eut un moment de mélancolie. Les branches de son sapin acheté quinze jours plus tôt pendaient déjà tristement vers le bas. Après les chaudes couleurs de la maisonnette des Glonorov, son appartement aux murs blancs lui semblait froid et... vide.
Ludovic inspira à fond et décida d'aller manger devant la télévision. Il n'était pas dans ses habitudes de dîner devant le poste télé, mais il avait besoin de chasser ce désagréable sentiment de solitude. Il alluma le poste en guise de bruit de fond, prit le temps de se préparer un bon petit plat, le posa sur un plateau en bambou, puis vint regarder ce qui se passait à l'écran.
Cependant, il eut du mal à se concentrer sur l'émission. Sans cesse, il repensait à M.Glonorov. Il venait tout juste de le rencontrer, mais il avait l'impression de le connaître depuis plus longtemps. Il était complètement sous le charme, désespérément amoureux.
Alors que Ludovic était passé au dessert, il entendit sonner. Il fantasma un instant, imaginant que Vlad lui ramenait quelque chose qu'il avait oublié, puis alla ouvrir. C'était Aoki.
Surpris par cette visite inopinée, Ludovic s'exclama :
– Bah alors ! Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu ne devais pas passer le week-end avec Tony ?

mercredi 19 janvier 2011

Fleur Bleue - 14

La première chose qui le frappa en découvrant le salon fut la masse impressionnante de cartons alignés sur le vaste tapis aux motifs égyptiens. Il dut faire attention à ne rien écraser en allant déposer l'arbre de Noël à l'endroit que Misha lui indiquait en sautillant sur place. Indépendamment du bazar, le salon aux teintes orangées et aux meubles miels possédait la même atmosphère chaleureuse que l'entrée.
Une fois libéré de son lourd fardeau, il s'exclama, les poings sur les hanches :
– Votre stock est impressionnant !
– Maman achetait des boules et des guirlandes à chaque Noël, expliqua Misha.
Une lueur de tristesse traversa les yeux noisettes de Vlad et Ludovic dut résister à l'envie de traverser la pièce pour le prendre dans ses bras.
– Cela vous donne du choix, comme ça, c'est bien... commenta-t-il, en souriant.
– Est-ce qu'on peut quand même en fabriquer des guirlandes, comme en classe ? demanda Misha.
Cette requête fit plaisir à Ludovic et il y répondit positivement. Le petit garçon poussa un cri de joie et quitta le salon pour revenir avec le matériel nécessaire.
– N'oublie pas de mettre un disque de chants de Noël, recommanda-t-il à son père avant de disparaître.
– J'espère que cela ne vous dérange pas, murmura Vlad, tout en se détournant pour fouiller dans la colonne de CD.
– C'est important la musique pour se mettre dans l'ambiance de Noël.
Vlad se figea un instant, le disque à la main.
– Vous avez raison, dit-il ensuite avant de mettre en route la chaîne.
Comme s'il avait attendu les premières notes de musique pour revenir, Misha débarqua avec trois paires de ciseaux, de la colle, des feutres et un paquet de feuilles de couleurs.
– Papa ! Il nous faut de la ficelle aussi.
– Je vais chercher ça.
– Après tu remontes et tu fais avec nous, hein ? supplia le petit garçon.
– Oui, bien sûr, soupira Vlad avant de descendre l'escalier quatre à quatre pour trouver la ficelle réclamée.
Misha enjoignit Ludovic à s'asseoir à la table du salon, puis tout en étalant le matériel dessus, expliqua :
– Papa est nul en travaux manuels, alors, il veut jamais en faire.
– C'est son droit, répliqua Ludovic, pensant que l'enfant exagérait.
Dans l'heure qui suivit, il fut cependant obligé de reconnaître que Misha avait raison. L'enfant était plus habile que son père pour découper de jolies silhouettes. Vlad était très maladroit et trouva même le moyen de se couper avec les ciseaux. Ludovic ressentit une montée de désir à le voir se sucer son doigt blessé. Heureusement, Misha, chaperon inconscient, lui permit de garder son sang-froid et de faire comme si de rien n'était.

mardi 18 janvier 2011

Fleur Bleue - 13

ne formula pas verbalement ce que son attitude exprimait silencieusement.
L'affaire fut rapidement conclue et Ludovic, Vlad et Misha purent emporter leur arbre ficelé. Le petit garçon qui tenait le sommet du sapin ne portait presque rien, mais était tout content. Il se voyait déjà le décorer de boules multicolores et de guirlandes scintillantes. Son bavardage rappela à Ludovic qu'il avait laissé sur le siège avant de sa voiture deux plaquettes de flocons de neige à coller sur les vitres. Il s'empressa d'en parler, mais Misha protesta :
– On en a pas besoin ! On a la peinture blanche magique de maman !
Alors que jusque là, Ludovic avait eu le sentiment curieux et confortable de faire parti de la petite famille, cette rebuffade le blessa.
– Je les avais amené comme ça, répliqua-t-il.
– Même si on décore les fenêtres avec du blanc de Meudon, cela n'exclut pas les autocollants. Je suis certain que mélanger les deux sera du plus bel effet, intervint Vlad.
Ces mots chassèrent la peine que l'enfant avait involontairement causé à Ludovic.
– Dans ce cas, pourquoi pas, mais c'est moi qui déciderai, trancha l'enfant tandis qu'ils franchissaient les derniers mètres qui les séparaient de la maisonnette au portail verdâtre.
Ils déposèrent le sapin dans l'entrée, puis retirèrent leurs chaussures et leurs vêtements. Pendant que Vlad et Misha enfilaient leurs chaussons, Ludovic regarda avec curiosité autour de lui. La pièce était petite, mais très chaleureuse avec ses murs jaunes d'or, son lino couleur sable et son escalier en chêne. Le mobilier - un placard et une table basse - était également en bois clair.
– J'ai peut-être des vieux chaussons à vous prêter, l'informa Vlad.
– Non, ça va. Cela ne me dérange pas d'être en chaussettes.
– Vous n'allez pas avoir froid aux pieds ? Si je fouille un peu, je devrais pouvoir remettre la main dessus.
– Non, vraiment, ce n'est pas la peine.
– On monte le sapin et on l'ouvre, papa ? demanda Misha.
– Oui, bien sûr.
– Si vous voulez, je m'en charge. Vu l'étroitesse de l'escalier, ce sera aussi simple, proposa Ludovic.
Avec une légère hésitation, Vlad accepta. Misha grimpa quatre à quatre les escaliers pour assister à la montée du sapin. Son père, d'un pas plus tranquille, le suivit.
Ludovic s'empara du sapin et monta à son tour.

lundi 17 janvier 2011

Fleur Bleue - 12

Vlad Glonorov n'avait, de tout évidence, pas vraiment le cœur à faire la fête. Ludovic discuta de plus belle de largeur et de hauteur de sapin avec Misha afin que ce dernier ne se rende pas compte que son père n'était pas véritablement intéressé par l'allure du sapin qu'ils allaient acheter.
Quand ils eurent arrêté leur choix, après vingt bonnes minutes de discussion, Ludovic se porta volontaire pour monter la garde auprès de leur sapin avec le petit garçon tandis que Vlad allait chercher un des vendeurs.
Dès que son père se fut éloigné, Misha demanda :
– M.Yamatatomo, vous allez vraiment fêter Noël avec nous ?
– Cela te dérange ?
– Non, c'est juste que... Votre maman, elle ne va pas être triste de ne pas vous voir ?
Ludovic se sentit triste pour l'enfant qui avait perdu sa mère bien trop tôt et qui avait mentionné la figure maternelle pour demander s'il n'allait pas faire défaut à sa famille.
– Non. Elle ne m'accepte pas comme je suis, alors tant que je ne corresponds pas à son idéal, elle aime autant ne pas me voir.
– Oh... Elle va quand même t'offrir un cadeau ?
– Je ne sais pas.
– Tu as envie d'avoir quoi pour Noël ?
La première image qui vint à l'esprit de Ludovic fut celle de Vlad avec un ruban rouge sur la tête, chose qui était évidemment impossible à communiquer à Misha.
– Je n'y ai pas vraiment réfléchi, esquiva-t-il. Et toi, qu'espères-tu recevoir ?
– J'ai fait une liste, c'est papa qui l'a. Mais tu ne sais vraiment pas ce que tu veux, toi ?
Le ton insistant du petit garçon mit la puce à l'oreille de Ludovic. Son père lui avait-il demandé d'enquêter sur ses goûts pour avoir une idée de cadeau à offrir à Noël ? Lui aussi allait devoir amener des présents, un détail qui l'avait jusque là négligé de prendre en compte, trop occupé à dévorer des yeux Vlad.
– Une écharpe pour me tenir chaud en ce froid hiver ne serait pas de refus, répondit-il, choisissant volontairement quelque chose de simple à acheter. Et ton père, qu'est-ce qui lui ferait plaisir, à ton avis ? ajouta-t-il.
– Moi, je lui offre un cadre photo que j'ai fabriqué moi-même, déclara Misha fièrement. Il aime beaucoup les photos, mon papa.
Ludovic ne put l'interroger plus avant, Vlad revenant avec un vendeur, un jeune en tablier. L'air affable de ce dernier s'effaça en voyant les « gardiens » du sapin. Ludovic grimaça, ayant déjà vécu ce genre de situation maintes fois auparavant. Évidemment deux hommes qui ne sont visiblement pas de la même famille qui achètent un sapin ensemble, même s'ils sont accompagnés par un enfant, sont suspects aux yeux de certaines personnes. Ironiquement, le vendeur avait à la fois tort et raison. L'un d'entre eux était bel et bien gay.

vendredi 14 janvier 2011

Fleur Bleue - 11

Ludovic s'arrêta au numéro indiqué par M. Glonorov. La maisonnette grisâtre affligée d'un portrail verdâtre n'avait rien d'engagant. Tout en se disant qu'il serait plus raisonnable de laisser tomber tout l'affaire, qu'il avait été ridicule d'enfiler un pull qui mettait en valeur ses yeux puisque son hôte y serait insensible, il sonna. Il piétina quelques instants sur le trottoir dont la neige avait fondue avant que Misha et son père viennent lui ouvrir.
Avant même qu'il n'ait eu le temps d'entrer dans la maison, le petit garçon s'écria :
– M.Yamatatomo ! Maintenant que vous êtes là, on va pouvoir chercher le sapin !
– Voyons, Misha, il vienne à peine d'arriver. Et puis, c'est l'heure du goûter, protesta Vlad. Je suis vraiment désolé, ajouta-t-il à l'intention de Ludovic.
– Il n'y a pas de problèmes. Cela ne me dérange pas qu'on aille chercher le sapin de suite.
– Tu vois papa, on peut ! Je t'avais dit qu'il était chouette ! intervint Misha.
– Vous êtes vraiment sûr que cela ne vous ennuie pas ?
M.Glonorov semblait toujours inquiet d'embêter les gens, un défaut que Ludovic ne put s'empêcher de trouver charmant.
– Je ne le proposerai pas sinon. Je n'ai encore enlevé ni mon manteau, ni mes chaussures, alors, c'est le bon moment.
– Dis oui, papa !
– Si vous êtes deux contre moi, je cède.
Misha serait parti comme ça, en chaussons et sans manteau, mais son père ne le laissa évidemment pas faire. Tout en obligeant le petit garçon à s'habiller chaudement, il expliqua qu'il y avait une boutique à trois pas d'ici où un large choix de sapins était proposé. Avouant qu'il avait acheté son propre arbre de Noël au supermarché, Ludovic suivit le père et le fils dans la rue.
Sur le chemin, ce fut Misha qui anima la conversation, donnant une foultitude de détails sur la manière dont ils avaient installé la crèche en attendant son arrivée. Ludovic écoutait le babillage distraitement, fasciné par le profil de Vlad : la mèche blonde qui lui tombait sur le front, l'arrête bien dessinée du nez, l'ourlet délicat de la bouche...
– On est arrivé ! s'exclama Misha, tirant Ludovic de sa dangereuse rêverie.
Vlad n'avait pas menti quand il avait déclaré qu'il y avait du choix. Si la boutique en elle-même était petite, le terrain sur laquelle elle se trouvait, était vaste. Et, au milieu de nombreuses autres plantes se dressait plusieurs rangées de sapins de tailles et de formes variées. Misha se mit aussitôt à inspecter les arbres d'un œil critique. Celui-là était trop petit, celui-ci pas assez fourni sur le haut... Ludovic se piqua immédiatement au jeu et commenta à son tour. Vlad glissa également quelques remarques, mais il était clair que c'était pour faire plaisir à fils et Ludovic commença à comprendre pourquoi il avait souhaité avoir de la compagnie à Noël.

jeudi 13 janvier 2011

Fleur Bleue - 10

– Ouf ! Il s'agit de quoi ?
– Et bien, tout à l'heure, ton instituteur va passer nous aider avec les préparatifs de Noël.
– Pour de vrai ?! s'écria Misha avec un enthousiasme, les yeux brillants.
– Oui. Je suis content que cela te fasse plaisir. Pour tout avouer, je l'ai même invité à fêter Noël avec nous, car plus on est de fou, plus on rit, n'est-ce pas ?
Misha fronça les sourcils.
– Il ne va pas dans sa famille ?
– Non, mais ce n'est pas toujours possible, tu sais.
– Ils habitent trop loin ?
Vlad se demanda s'il devait parler de l'origine de la mésentente entre Ludovic Yamatatomo et ses parents, puis décida que ce n'était pas sa place.
– Tu auras qu'à demander à M.Yamatatomo. Tout ce que je sais, c'est que sinon, il avait l'intention de passer Noël tout seul.
– C'est trop triste ! Il faudra lui acheter un cadeau alors ?
Vlad gémit intérieurement. Avant que Misha n'en parle, il n'y avait pas pensé. Qu'allait-il donc bien pouvoir offrir à l'instituteur de son fils ? Une écharpe, une paire de chaussettes ?
– Evidemment. Tu as une idée de ce qui pourrait lui faire plaisir ?
– Non, mais quand il sera là, on pourra l'interroger en douce.
En bref, vu la définition de discrétion de l'enfant, M.Yamatatomo comprendrait sans peine qu'ils avaient l'intention de lui offrir un cadeau. Il risquait de sentir obligé d'en acheter en retour, ce qui était gênant. En même temps, il était évident que Misha serait déçu si son instituteur ne lui apportait rien. Plus Vlad y réfléchissait, plus les implications de l'invitation qu'il avait lancé lui semblait énormes. Il avait conseillé à son fils de songer aux conséquences de ses paroles alors que lui-même ne prenait cette peine... Quelle ironie !
– Dis, papa, on commence à décorer maintenant ?
– Pas tout de suite, non. Il est presque midi. Nous allons plutôt préparer le repas. Mais promis, après, nous descendrons les cartons de l'armoire de no... ma chambre et nous nous lancerons.
Vlad se maudit pour son cafouillage avec le pronom. Il avait encore beaucoup de mal à se faire à ce que la chambre qu'il avait partagé avec Katia ne soit plus que la sienne. Misha, cependant, ne releva pas son hésitation et, bondissant sur ses pieds, il entraîna vers la cuisine.
– On peut manger des frites ?
*

mercredi 12 janvier 2011

Fleur Bleue - 9

Après s'être perdu un instant dans la contemplation des motifs égyptiens du tapis, Vlad releva la tête et répondit :
– Et bien, beaucoup de gens pensent, à tort, que des hommes qui s'embrassent entre eux, c'est mal. Le mensonge que tu as répété à tes petits camarades a été retransmis par certains à leurs parents qui s'en sont plaint auprès de la directrice qui a exigé que M.Yamatatomo me fasse venir. Je te prie de retenir de tout ça que mentir n'est pas une bonne chose. Cela peut avoir des conséquences insoupçonnées.
– Mais pourquoi ? Maman disait toujours que l'amour ne connaît ni frontières ni barrières et que du moment qu'on s'aime, il n'y a pas de problèmes !
– Tout le monde ne pense pas comme ça, malheureusement.
Vlad passa une main lasse devant son visage. Lui-même, avant Katia, ne voyait pas sous un jour particulièrement positif les gays. Oh, il n'aurait jamais été leur jeter la pierre, mais il ne tenait pas à en fréquenter. Katia l'avait décoincé : « Tu penses que les hommes et les femmes peuvent être amis et tu n'as pas peur que les femmes te sautent dessus dans la rue, n'est-ce pas ? Alors tu ne devrais pas craindre que les homos se jettent sur toi comme la pauvreté sur le monde sous prétexte que tu peux leur inspirer du désir, c'est ridicule ! Tu peux être amis avec eux, tu sais, ils ne sont pas contagieux ! »
– Je regrette d'avoir menti.
– Tu ne recommenceras pas ?
– Non. Tu vas me punir ? demanda Misha d'une petite voix.
Vlad soupira légèrement. Katia lui manquait.Il aurait voulu qu'elle soit là à ses côtés pour le conseiller. Après un nouveau regard sur le tapis, il déclara :
– Non, tu ne seras pas puni. Après tout, ce n'est pas complètement ta faute. Le fameux Louis n'aurait pas fait autant le malin s'il avait su que le père Noël n'était rien d'autre qu'un déguisement porté par son papa. La prochaine fois, tu as mon autorisation, dis-lui la vérité. Ce n'est pas grave. De toute façon, en grandissant, il faudra bien qu'il apprenne que le père Noël n'est qu'un mythe.
– Merci, papa ! s'exclama Misha en bondissant sur ses pieds et en se jetant sur Vlad qui lui ouvrit grand les bras.
– Doucement, galopin ! Pense à ton vieux papa.
– Tu n'es pas vieux ! T'as que trente trois ans ! Le père de Louis, lui, il est vieux, il a cinquante balais !
Vlad serra son fils contre son cœur, puis le cala sur ses genoux.
– La discussion n'était pas tout à fait finie, tu sais.
– Oh, non ! geignit l'enfant.
– Je te rassure, ce n'est plus pour te sermonner.

mardi 11 janvier 2011

Fleur Bleue - 8

Au bout d'une minute, Misha releva la tête et balbutia :
– C'est à cause de Louis. Il n'arrêtait pas de répéter qu'il avait vu sa mère embrasser le père Noël l'année dernière. Il se vantait...
Le coeur de Vlad se serra. Misha savait que le père Noël n'existait pas depuis le début, Katia étant d'avis qu'on pouvait avoir la magie sans le mensonge, et il était parfaitement conscient que la mère de Louis n'avait fait qu'embrasser son mari. Mais sa mère étant morte, il avait dû être blessé et, à défaut de révéler la vérité sur le père Noël, il n'avait pas trouvé mieux qu'inventer cette histoire de baiser pour rabattre son caquet à son camarade. En un sens, c'était leur faute à Katia et lui, vu qu'ils lui avaient vivement déconseillé de raconter aux autres enfants que le père Noël n'existait pas, justement pour éviter d'inutiles affrontements avec ses camarades.
Vlad inspira à fond et s'efforça d'obtenir des détails. Il n'aurait pas été convoqué à l'école primaire si seuls quelques camarades de classe avaient entendu une fois ce mensonge.
– Je vois. Tu as donc répliqué que toi, tu m'avais vu dans les bras du père Noël. Et après, que s'est-il passé ?
Misha, mis à l'aise par le fait que son père n'avait pas l'air fâché, s'anima et raconta tout.
– Il m'a traité de menteur. Mais je lui ai dit que son histoire était pas plus croyable que la mienne. Alors, à chaque fois qu'il racontait son truc, et bah, moi, je parlais de toi et du père Noël. Et Marion, quand elle a entendu ça, elle t'a traité de pédé, alors moi, j'ai dit que le père Noël l'était aussi dans ce cas. Et Clothide, elle était catastrophée. Mais Bertrand qui sait plein de trucs, et bah, il a dit que cela voulait rien dire, car dans la culture des jesaisplusquoi, les hommes, ils s'embrassent sur la bouche pour se dire bonjour. Et que comme le père Noël, il vient du Pôle Nord, c'est possible. Moi, j'ai approuvé, même si je sais bien que de toute façon que le vieux bonhomme, il existe que dans les contes.
A ce point du récit, Vlad dut se mordre la joue pour ne pas rire. Le caractère rocambolesque de toute l'histoire ne lui échappait pas. Malgré tout, il devait garder son sérieux et remonter les bretelles de son fils.
– En bref, tu as menti et au lieu de reconnaître ton mensonge, tu as persisté dedans, et l'affaire a pris des proportions qu'elles n'auraient pas dû.
– C'est la faute de Louis, protesta Misha.
– Tu es responsable de tes propos. Ce n'est pas Louis qui te les a mis à la bouche.
– Je sais, bougonna le petit garçon. Au fait, ce n'est pas à cause de ça que M.Yamatatomo a demandé à te voir, si ? ajouta-t-il d'un air étonné.
Vlad répondit par un hochement de tête positif, partagé entre amusement et agacement que son fils vienne seulement de le réaliser.
– Mais pourquoi ? Je ne suis pas le seul à raconter des trucs tirés par les cheveux. Gilles, il prétend que son père a une ferrari, et que c'est juste pour aller le chercher à l'école qu'il prend sa deux chevaux.
Ce fut autour de Vlad d'être embarrassé. Ce n'était pas simple à expliquer.

lundi 10 janvier 2011

Fleur Bleue - 7

– Elle est belle notre salle de classe, tu as vu, hein ?
– Oui, c'est très joli avec vos dessins et vos guirlandes. Et je te promets qu'aujourd'hui, nous allons également embellir la maison.
– Chic ! s'exclama Misha en trépignant de joie.
Vlad jeta un coup d'œil à Lili qui ne faisait pas mine de s'en aller. Elle avait la fâcheuse manie de toujours traîner pour partir, mais était de confiance, ne lui avait jamais fait défaut quand il avait besoin de quelqu'un pour garder son fils et habitait à dix minutes à pieds de la maison, ce qui lui évitait de devoir la raccompagner, même quand il était tard.
– Vous devez avoir hâte de rentrer chez vous, Lili. Je suis certain que vous avez prévu plein de choses pour le reste de votre week-end.
– Je ne suis pas pressée, mais nous sommes aussi en retard pour la déco de la maison... avoua la jeune fille sans bouger d'un pouce.
Vlad, pour accélérer les choses, choisit la voie de l'humour :
– Allons, filez-vite donner un coup de main à vos vieux parents pour cette tâche de haute importance.
Lili rit et se décida enfin à quitter les lieux. Sans se presser, elle enfila ses bottes rose bonbon, son manteau d'hiver et son bonnet blanc en forme de champignon. Une fois équipée pour le froid, elle leur souhaita bon courage pour les préparatifs de Noël et s'en fut.
Dès qu'elle eut disparu, Vlad se pencha vers son fils et lui déclara :
– Et maintenant, à nous deux ! Viens, on va s'installer dans le salon.
Misha qui savait que ce genre de formulation n'augurait rien de bon, s'exécuta avec une mine boudeuse.
– J'ai rien fait de mal, grommela-t-il préventivement, une fois qu'ils furent assis l'un en face de l'autre, chacun dans un fauteuil.
Vlad qui n'avait pas l'habitude de tourner autour du pot, attaqua bille en tête.
– Mentir n'est pas joli, joli. Pourquoi racontes-tu donc à tes camarades de classe que j'ai embrassé le père Noël ?
Misha rentra la tête dans les épaules, piqua du nez et garda le silence.
– Tu sais que tu peux tout me dire. Je ne t'en veux pas, mais j'aimerais bien comprendre.

Manga Yaoi en Janvier 2011

Cette année, je continue à parler des sorties mangas yaoi, et comme d'habitude, j'y vais de mon petit commentaire...


Déjà, en premier lieu, il faut noter la sortie de My demon and Me Vol.2 de Tsuta Suzuki. Je possède la version américaine et même si j'ai apprécié le 1er opus, je reconnais que le 2ème est moins bon en raison de son détour dans le passé avec le pourquoi du comment de la malédiction qui n'est pas palpitant...


Yebisu Celebrities Vol.3 de Fuwa Shinri et Kaoru Iwamoto
Rien à dire, si ce n'est : saviez-vous qu'on va a avoir droit à un bout du roman dans le magazine Be x Boy numéro 10 ?
D'ailleurs, à propos, même si vous n'avez jamais acheté ce magazine de prépub entièrement yaoi, il y a une bonne raison de commencer... 5 nouveaux titres vont débuter et un calendrier 2011 est au programme...
His Favorite de Suzuki Tanaka
Charming a penniless writer de Chako Sugihara
My Own Private Otaku de You Higashino
Punch Up de Shiuko Kano
Startline de Ami Oyamada
J'ai bon espoir pour le titre de Shiuko Kano et pour His Favorite de Suzuki Tanaka.


N'oublions pas l'arrivée de Junjou Romantica... Dommage pour moi, j'ai acheté la version américaine, il y a quelques temps, et je ne compte pas remettre la main au portefeuille, en attendant, je recommande de le lire. Les personnages sont excellents - j'ai une tendresse toute particulière pour l'écrivain pervers, adorateur des ours en peluche...


Côté nouvelle séries, on mentionnera également :
Steal Moon Vol.1 de Tateno Makoto (je n'aime pas le style de cette auteur...)
Butler Game Vol.1 de Ryo Takagi (même problème qu'au-dessus )
Brother Vol.1 de Yuzuha Ougi (là aussi, je possède la version américaine, c'est drôle et érotique sans être transcendant)



A notez également la suite de trois séries de qualité :
Tyrant Who Fall in Love Vol.4 de Hinako Takanaga
Love Mode Vol.9
et
Ze Vol.3 de Yuki Shimizu.

Et enfin, côté manhwa boy's love :
Totally Captivated Vol.5
Martin & John Vol.5

vendredi 7 janvier 2011

Fleur Bleue - 6

Vlad traversa la cour enneigée de l'école d'un pas rapide, se remémorant l'échange qu'il venait d'avoir avec l'instituteur de son fils. D'abord, il y avait eu cette histoire de baiser au père Noël, puis cette révélation inattendue sur l'homosexualité de interlocuteur et enfin, cette folle proposition de sa part... Il savait cependant que Katia n'aurait pas hésité à la faire. A leur premier Noël après la naissance de Misha, elle avait invité une de ses amies lesbiennes qui venait d'être rejetée par sa famille. Et puis elle avait beaucoup plaint Vlad en apprenant que depuis la mort de sa mère, il fêtait Noël tout seul. Elle lui avait dit avec son sourire d'ange « tu verras Noël, c'est féérique » et lui qui avait toujours trouvé à cette fête un côté sinistrement commercialement, avait été émerveillé... C'était pour cette raison qu'il craignait de ne pas réussir à reproduire cette magie de Noël que Katia aimait tant, et pour ça également qu'il ne voulait pas imposer un nouveau Noël à Misha avec ses grand-parents. A dire vrai, il n'y tenait pas plus que ça. Il détestait leur manière insidieuse de le pousser à retrouver une mère pour Misha sans se soucier de ses sentiments. Il n'avait aucun désir de remplacer Katia et il était sûr que Misha ne le souhaitait pas non plus.
Vlad arriva à l'endroit où il avait garé sa voiture. Refusant de réfléchir plus longtemps à s'il aurait mieux fait de garder sa langue dans sa poche, il décida que les dés étaient jetés et qu'il était temps de rentrer pour discuter avec Misha de cette histoire de baiser.
Bien que les trottoirs soient encore recouverts de neige, la route était enfin dégagée et il put rouler normalement.
En dix minutes à peine, il arriva à bon port. La maisonnette au toit enneigée et à la facade grisâtre dénudée faisait pâle figure à côté des demeures voisines qui avaient revêtues leurs atours de fêtes.
Découragé par avance, Vlad soupira, se dépêcha de se mettre au chaud.
– Je suis rentré ! cria-t-il tout en tapant des pieds pour se débarrasser de la neige collée à ses chaussures.
Aussitôt Misha dévala l'escalier, suivi par Lili, la petite jeune fille qui l'avait surveillé en l'absence de Vlad.
– Tout s'est bien passé, déclara-t-elle, anticipant la question de M.Glonorov.
– Papa, c'était pourquoi alors ? demanda Misha tout en aidant maladroitement son père à enlever son manteau.
– Laisse-moi le temps d'arriver...
Vlad préférait attendre que Lili soit partie et être bien installé pour avoir une discussion sérieuse avec son fils.

jeudi 6 janvier 2011

Fleur Bleue - 5

– Si vous voulez, je peux venir en fin d''après-midi pour vous donner un coup de main. Ainsi, vous aurez eu le temps de parler à Misha...
– Oh ! Non ! Je m'en voudrais de chambouler vos plans pour le week-end !
Ludovic s'empressa de tranquilliser M.Glonorov pour lequel son intérêt augmentait de minutes en minutes.
– Je n'avais rien prévu de spécial. Et je me vois mal débarquer chez vous le 24 juste pour me mettre les pieds sous la table. Surtout que si j'ai bien suivi, vous avez besoin d'aide.
Avec humour, il ajouta :
– Regardez autour de vous, et dîtes-moi un peu si vous n'êtes pas convaincu de mes talents de décorateur, hum ?
Depuis le premier décembre, il avait pris un moment chaque jour pour décorer la salle de classe avec les élèves. Au-dessus du tableau vert, trônait une frise de bonhommes en pain d'épice, pères noël, sapins et boules multicolores. Sur les fenêtres des petits autocollants brillants avaient été disposés avec un art tout enfantin. Sur les murs, il n'y avait plus un espace vide : tout était recouvert de dessins en rapport avec Noël.
M.Glonorov qui, jusque là s'était peu intéressé à la chose, prit le temps de regarder avant de demander d'une voix hésitante :
– Vous êtes sûr que cela ne vous dérangera pas, M.Yamatatomo ?
– Certain. Et je vous en prie, appelez-moi Ludovic.
– A condition que vous utilisiez également mon prénom. Je m'appelle Vlad.
Mentalement Ludovic répéta le prénom dans sa tête. Dieu que cet homme lui plaisait... De la racine de ses cheveux blonds à la pointe de ses chaussures marrons.
– Entendu.
Une fois qu'ils eurent confirmé qu'ils se voyaient tout à l'heure et échangé leurs numéros de portables, Vlad Glonorov partit pour de bon. Cependant, contrairement à sa première tentative de départ, Ludovic n'en ressentit aucune peine. Il allait le revoir dans quelques heures à peine. Son ami Aoki ne manquerait pas de lui dire qu'il était fou quand il lui raconterait ça... Il l'entendait déjà « Cela ne t'a pas suffit, il y a trois ans, avec Jérome ! Tu sais bien qu'on ne mélange pas les torchons et les serviettes pourtant. » Ce à quoi, il répliquerait « Je n'y peux rien, c'est mon type... et même si j'en bave comme un malade, je tenterai ma chance. L'amour n'est pas une chose logique. »
Ludovic soupira. Il avait tout de même le chic pour s'embarquer dans des trucs pas croyables. Aider un séduisant parent d'élève à préparer Noël...

mercredi 5 janvier 2011

Fleur Bleue - 4

Ludovic trouva la demande curieuse, mais y répondit avec honnêteté :
– Non, mon sapin et moi seront en tête à tête. Ce n'est pas que ma famille ne me recevrait pas, mais je n'ai pas envie de les entendre me faire la morale sur, je cite, « mes pratiques déviantes. »
– Aimeriez-vous passer Noël avec Misha et moi ? Pour être franc avec vous, je suis un peu paniqué. Il refuse que nous retournions cette année chez les parents de ma femme et j'ai peur de ne pas réussir à recréer l'ambiance... Je... Non, oubliez ce que je viens de vous dire. Ma proposition doit vous paraître bizarre.
L'air douloureux et embarrassé de M.Glonorov remua étrangement Ludovic. Le pauvre homme ne devait effectivement pas savoir à quel saint se vouer pour en arriver à inviter l'instit' homo de son fils... ou alors il avait décidé de changer de bord. Sauf que le séduisant M.Glonorov n'embrassait les pères noël que dans l'imagination de son gosse et qu'il aimait clairement toujours sa défunte femme... Il ne devait pas se rendre compte que son offre pouvait être mal interprétée. Dans ses conditions, refuser était la meilleure option. En même temps, tout valait mieux qu'être seul à Noël et il avait vraiment très envie de faire plus ample connaissance avec le père de Misha. Ce qui n'était pas raisonnable du tout. C'était un parent d'élève. Veuf, certes, mais hétéro. Autant dire, une histoire sans espoir qui sentait l'imbroglio à vue d'œil. Cependant, faisant fi de tout bon sens, Ludovic s'entendit accepter.
– Cela me plairait de passer Noël avec vous, mais il faudrait sûrement que vous demandiez son avis à Misha.
M.Glonorov referma la porte et revint vers Ludovic qui était resté au bureau près de la fenêtre.
– Misha vous apprécie énormément. Il voudrait vous avoir pour professeur pour toujours. Je suis certain qu'il sera ravi... De toute façon, tout lui irait plutôt que de retourner fêter Noël chez les parents de ma femme. Ils ne sont pas méchants, mais ils invitent beaucoup de monde et transforment Noël en une orgie de cadeaux et de nourriture. Avec Katia, c'était... magique.
Ludovic se retint de demander des explications. Il était curieux de savoir pourquoi si la belle famille n'allait pas, M.Glonorov ne se rendait pas dans la sienne, mais il craignait qu'en posant des questions trop personnelles, le père de Misha ne revienne sur son invitation.
– Où en êtes-vous avec les préparatifs ? Vous avez besoin d'aide ?
– A dire vrai, rien n'est fait. Pas de guirlandes, pas de sapin, rien ! Je suis graphiste illustrateur freelance et j'avais un travail à rendre avant le 17 décembre. J'avais l'intention de m'y mettre aujourd'hui, après vous avoir vu.

mardi 4 janvier 2011

Fleur Bleue - 3

A peine Ludovic eut-il fini sa tirade qu'il la regretta. Même si M. Glonorov s'était emporté, il aurait dû, lui, garder son calme et éviter de révéler qu'il était homo. Certes, le père de Misha avait fait preuve de tolérance envers les homosexuels quelques instants plus tôt, mais cela ne voulait pas dire qu'il allait accepter que l'instituteur de son fils en soit un.
Il y eut un silence embarrassant. Ludovic ne savait pas quoi dire pour rattraper sa bévue et M.Glonorov semblait sous le coup de la surprise. Ce fut tout de même lui qui finit par déclarer :
– Je suis désolé. Je n'aurais pas dû monter sur mes grands chevaux. J'ai souvent tendance à juger sans avoir tous les éléments... C'est juste que Katia... ma femme... elle était partisane de l'amour sous toutes ses formes et elle voulait transmettre cette valeur à notre Misha.
Ludovic s'était attendu à devoir le convaincre de ne pas en parler à la directrice ou autres choses dans ce goût. Cet étonnant mea culpa le toucha et la tension qui régnait dans la pièce se dissipa.
– Disons que nous sommes tout les deux énervés un peu vite. Vous ne pouviez pas savoir.
– En tout les cas, je vais parler à Misha et tâcher de tirer cette affaire au clair.
– Ce serait bien. Quand j'ai essayé d'en discuter avec lui, il s'est défilé, mais je parie que vous aurez plus de succès que moi.
– Y a-t-il autre chose dont vous vouliez parler ?
– Non. Misha est vraiment un élève agréable. Il écoute en classe, pose des questions pertinentes... Non, vraiment je regrette de vous avoir fait déplacer pour ça, surtout par ce temps glacial.
– Ce n'est pas votre faute. Votre directrice est responsable. Ou plutôt, les préjugés des gens, répondit M. Glonorov en se levant.
Alors que Ludovic aurait dû être soulagé que le délicat entretien s'achève, il eut un pincement de coeur. Le père de Misha était vraiment charmant...
– Il me reste plus qu'à vous souhaiter un joyeux Noël.
M. Glonorov eut un sourire contraint. De toute évident, la perspective des fêtes ne l'enchantait pas. Évidemment avec la mort, somme toute récente de sa femme, cette fête de famille devait être pénible... Comme pour lui. Cette année, il serait complètement seul.
– Joyeux Noël à vous aussi, déclara M.Glonorov en retour avant de lui tourner le dos pour sortir de la salle de classe. Puis, comme si une idée lui était soudainement venue, il fit volte-face et demanda avec hésitation :
– Vous passez Noël en famille ?

lundi 3 janvier 2011

Fleur Bleue - 2

– C'est une plaisanterie ? demanda-t-il enfin.
Ludovic ne put s'empêcher d'être déçu de la réponse. Était-ce vraiment si invraisemblable que ça ? Après tout, sans être homosexuel, M.Glonorov aurait très pu bien trop boire, embrasser un père de Noël de supermarché et tout oublier de l'épisode.
– Qu'il ait dit ça ou que je vous fasse venir pour cela ? répliqua-t-il.
– Ma foi, je ne sais pas. Je ne comprends pas qu'il a raconté ça... il est sans doute perturbé par la mort de sa mère... cela ne fait que deux ans...
La voix de M.Glonorov se brisa. Il se racla la gorge, mais, même ainsi, il ne parvint pas à reprendre un ton tout à fait normal. Il ne s'était visiblement pas remis de son deuil.
– Malgré mon veuvage, je n'en suis pas réduit à me jeter sur les pères Noël, mais quand bien même ce serait vrai, je ne vois pas en quoi cela devrait poser problème. La sexualité est une chose privée aux dernières nouvelles.
La tolérance dont il faisait preuve adouci la déception de Ludovic qui avait dû mal à rester insensible face au charme du père de son élève. La chemise non boutonnée sur le haut de ce dernier laissait voir le creux de son cou et cette vision était perturbante. Hélas, quand il parvint à se détacher du carré de peau pâle, il vit M.Glonorov se mordre la lèvre d'embarras : image érotique.
– M. Yamatatomo ?
Ludovic réalisa qu'une réaction de sa part était attendue.
– Oui, vous avez raison, mais... commença-t-il en s'efforçant de chasser toutes toutes pensées inconvenantes de sa tête.
– Mais quoi ? le coupa M.Glonrov. L'ouverture d'esprit devrait être une des premières choses qu'on enseigne à l'école, mais apparemment, ce n'est pas le cas.
Ludovic sentit la moutarde lui monter au nez. Il avait réussi à se contenir devant la directrice quand elle l'avait obligé à avoir ce ridicule entretien avec le père du petit Misha, mais là, c'était trop. En tant qu'enseignant, il faisait de son mieux pour combattre les préjugés que les parents inculquaient volontairement ou non à leurs enfants et il était hors de question que quiconque sous-entende qu'il était un type borné homo phobique.
Pris d'une rage froide, il rétorqua :
– Vos leçons, vous pouvez vous les garder. Je suis gay, fier de l'être, et croyez-moi, si je suis ici avec vous, c'est parce que la directrice l'a exigé de ma part. Je n'y peux rien si deux parents d'élèves sont venus se plaindre de cette histoire de père Noël, jugeant que les propos de votre fils "contaminaient" leurs chérubins.