Joël, les yeux grands ouverts, n’osa bouger pour ne pas troubler le repos de Aarp. Il n’avait pas sommeil, lui. Il faut dire qu’ils étaient en pleine journée. Enfin, façon de parler, puisqu’il faisait jour en permanence sur la planète des Turquoises. Toujours est-il que ce n’était pas l’heure de se coucher et Aarp lui avait donné matière à penser.
Son alien favori semblait convaincu que retourner sur Terre était une option et non plus une probabilité douteuse.
Évidemment, le premier mouvement de Joël avait été de dire qu’il souhaitait rentrer chez lui, dans son univers familier, connu et confortable, avant de réaliser que cela signifiait quitter Aarp, ce dont il n’avait aucune envie.
Il n’imaginait toutefois pas Aarp heureux sur Terre. D’abord, parce qu’il doutait que le gouvernement laisse un extraterrestre se promener en toute liberté, et puis aussi, tout simplement parce que rien que porter des habits serait compliqué pour Aarp, autant à cause de sa morphologie que pour des raisons culturelles.
Il avait été incapable d’expliquer son métier de vendeur de chaussures à l’alien qui se promenait pieds nus. Il ne le regrettait pas. Cela avait été un travail qu’il appréciait, pas une vocation. En revanche, se passer de se travestir lui serait douloureux. Il y avait peut-être de quoi faire dans les malles du vaisseau des affreux pustuleux, mais il était déjà regardé d’un mauvais œil dans son peignoir, sans maquillage et sans coiffure spéciale…
Ce qui rendait autrement triste Joël, c’était l’idée de ne plus revoir ses amis. Heureusement, il s’était lié avec plusieurs des filles, notamment Emilie et Miranda, mais aussi Sara, Marianne et Lilou.
Est-ce qu’elles repartiraient si cela devenait possible ? Il en doutait pour Lilou. Elle aimait son alien, comme lui. Il était moins sûr pour les autres. Indépendamment d’un éventuel retour sur Terre, il y avait maintenant le clan d’Aaveen à prendre en compte. Si ce dernier était plus ouvert aux couples de même sexe, Aarp voudrait-il changer de clan ? Joël n’allait certes pas le réveiller pour lui demander. Le pauvre était dans un sale état et s’était donné malgré tout la peine de s’assurer que Joël était satisfait de son sort.
Et il l’était tant qu’il était dans les bras de Aarp, parce qu’alors, la réprobation de quelques Turquoises et de certaines filles n’avaient plus autant d’importance.