mardi 23 mai 2017

Pause jusqu'au 8 juin

Après avoir lu et relu et corrigé et arrangé Orcéant et Cœur de fantôme, et avant de me lancer dans la dernière vie de Iol qui conclura A travers les millénaires, j'ai décidé de m'octroyer une pause. Il n'y aura donc pas d'épisode avant jeudi 8 juin 2017.

A la fin de A travers les millénaires, nous ne devrions pas être loin du 9ème anniversaire du blog, ce sera l'occasion de faire le bilan, de décider si je continue à partager mes histoires à raison de 5 épisodes par semaine ou si je change de façon...

Merci de lire mes histoires.

Orcéant, le livre

Plus rapidement que prévu, Orcéant, le livre est disponible sur The Book édition.
Orcéant comprend 294 pages dont un épilogue inédit et coûte 9,98€ en papier et 6,69€ en pdf numérique.

Résumé : L'ère des dragons est terminée, celle des humains a débuté et avec elle, le massacre ou la mise en esclavage de toutes les autres espèces sans exception. Mais certains ne sont pas d'accord avec le pouvoir qui s'est mis en place et veulent faire changer les choses...

J'espère pouvoir également sortir prochainement Chaussure perdue et les autres Contes Modernes, mais si la parution du premier se compte normalement en semaine, pour parvenir au bout des neuf, plus l'intégrale, cela risque de prendre encore quelques mois.

Cœur de fantôme, le livre

Pas d'épisode aujourd'hui, mais voilà, ça y est, Cœur de fantôme, le livre est disponible sur The Book édition.

Cœur de fantôme comprend 235 pages dont un épilogue inédit et coûte 9,11€ en papier et 6,19 € en numérique.

Pour ceux et celles qui souhaiteraient amortir niveau frais de port, sachez que Orcéant devrait être également disponible d'ici la fin de la semaine.

lundi 22 mai 2017

A travers les millénaires - 54

Quand Jem révéla à Manfred que c'était irrévocable, qu'il demeurerait aveugle, ce dernier en fut désolé pour lui, puis il lui fit valoir que tous ses autres sens allaient s'aiguiser.
— Et mon séjour à l'hôpital va se prolonger, précisa Jem.
Cela lui démangeait de rapporter toute sa conversation avec Salomon, mais il ne pouvait risquer quelqu'un d'autre n'apprenne que le docteur allait faire une fausse déclaration au sujet de l'état de Manfred. Il lui chuchoterait cette nuit au creux de l'oreille.
— Jem... Et si ce n'était pas moi, ton âme-sœur ?
— Tu doutes encore ?
— Je ne sais pas. Nous ne pourrons jamais avoir la certitude.
— Entre nous, cela colle, il n'y a pas besoin d'autre preuve.
— C'est vrai. Parle moi encore de nous...
— D'accord, mon cœur.
— Je m'en passerai bien, moi, grommela Geoffrey.
Jem ne lui prêta pas attention - bientôt ils auraient plus d'intimité - et recommença depuis le début, quand il était un néandertalien et Manfred, un homme de cromagnon...

La nuit venue, il se glissa dans le lit de Manfred et lui annonça que si tout se passait bien, ils allaient pouvoir demeurer ensemble jusqu'à leur mort.
Manfred se réjouit immédiatement. Optimiste, il ne voulait pas croire que Salomon échouerait.
Et il avait raison. Quelques semaines plus tard, au lieu de rejoindre une base militaire, ils quittèrent l'aile des patients pour rejoindre celle du personnel de l'hôpital.
Les années passèrent, étrangement douces alors que la guerre ne cessait pas et que les blessés affluaient.
Manfred finit par ne plus craindre de ne pas être son âme-sœur tellement leur entente était complète.
Si parfois cela pesait à Jem de ne rien voir, il pouvait compter sur la lumineuse et chaleureuse présence de Manfred pour éclairer sa nuit.

vendredi 19 mai 2017

A travers les millénaires - 53

Quelques jours s'écoulèrent, quelques nuits aussi qu'ils passèrent à se caresser le plus silencieusement et discrètement possible, l'un ou l'autre regagnant son lit avant l'aube. La vue de Jem ne s'était plus améliorée et ce matin-là, il constata qu'elle s'était même dégradée.
— On dirait que ton vœu concernant ma vue, va être exaucé, déclara-t-il à Manfred.
Ce dernier essaya de se montrer encourageant, peut-être était ce normal un affaiblissement avant récupération complète.
Cependant, un passage de Salomon mit à mal sa théorie. Le docteur emmena Jem pour des examens complémentaires et il s'avéra qu'il s'agissait d'un rejet de greffe. Il conclut par ailleurs qu'une autre opération n'était pas envisageable.
Jem, loin de paniquer, s'enquit alors du sort qu'il allait lui être réservé, sachant qu'il ne pouvait retourner combattre et qu'étant aveugle, ce qu'il pouvait faire était limité.
— Détrompe-toi, tu peux faire des tas de choses, même dans le noir à l'hôpital, comme t'occuper du linge. Et avec tous les lits, il y a du boulot. Tu es bien calme, ajouta Salomon, comme Jem opinait avec un sourire.
— Oui, parce que pour moi, cela signifie la paix, même si le reste du monde est en guerre.
— Je te comprends. C'est aussi pour cela que mes tremblements ne me gênent pas. Même s'ils m'obligent parfois à m'y reprendre plusieurs fois et à guetter le moment où ils cessent pour examiner mes patients.
— Je me réjouis de rester auprès de mon âme-sœur,  Manfred, du moins tant qu'il n'est pas considéré guéri.
— Je peux déclarer qu'il est définitivement inapte. Je ne suis bien sûr pas seul à décider, mais le docteur Lisa est également ma compagne et je peux la convaincre de donner le même avis.
— Ton âme-sœur ?
— Oui, je le pense. C'est grâce à elle d'ailleurs que j'ai pu changer de carrière et soigner plutôt que blesser. Elle a défendu mon cas alors que certains pensaient qu'avec ma tremblote, c'était peine perdue, mais elle a réussi à faire valoir qu'ils manquaient de bras et de bonnes volontés...
Jem commençait à entrevoir un avenir radieux, même s'il serait plongé dans l'obscurité.
— Merci de nous aider, vie après vie.
— Je n'ai pas été si sympa que cela quand nous étions vikings.
— Tu t'es largement rattrapé depuis et même à cette époque, tu avais fini par nous soutenir.
— Mais toi aussi, tu as été là pour moi à de nombreuses reprises.
— Oui, notre lien est fort, même si je l'ignorais jusqu'alors.
Salomon lui donna une petite tape dans le dos.
— Il n'y a pas que l'amour dans la vie, il y a l'amitié et la famille aussi.
Jem acquiesça. Il constatait surtout que même après plusieurs millénaires d'existences, il découvrait toujours de nouveaux possibles, apprenait toujours de nouvelles choses...

jeudi 18 mai 2017

A travers les millénaires - 52

— Je suis heureux et toi ? demanda Jem, une fois que l'infirmière repartie.
— Moi aussi, mais nous devrions éviter de recommencer.
— Ouais, parce que vous étiez sacrément bruyants, s'emmêla Geoffrey. Enfin, je m'en fiche, j'avais eu le droit à une super pipe dans les toilettes, ajouta-t-il.
— Désolé et tant mieux pour toi, déclara Manfred.
Jem ignora l'intervention de Geoffrey.
— Pourquoi tu ne veux pas ? Tu as peur que nous nous fassions pincer par le personnel de l'hôpital et que nous soyons séparés ? Nous ne faisons rien de mal. Ce n'est pas si grave si les autres nous entendent. Notre temps ensemble est hélas, une fois encore limité.
— Je sais, mais...
— Et tu m'aimes, le coupa Jem.
— C'est vrai aussi, seulement, je ne te mérite pas...
— Si c'est à cause de ton apparence...
— Ce n'est pas ça, pas que en tout cas...
— Alors, quoi ?
Ils ne cessaient de s'interrompre l'un l'autre.
— Je souhaite que tu restes aveugle et ça, c'est horrible de ma part. Je voudrais que tu ne puisse pas quitter l'hôpital alors que ton âme-sœur doit t'attendre quelque part.
— C'est toi. J'en suis certain. Je n'ai pas le moindre doute, pas après ce que nous avons partagé cette nuit.
— Vous avez juste baisé, maugréa Geoffrey.
— Si le sexe avec n'importe qui procurait une telle sensation de plénitude, cela se saurait, répliqua Jem.
Il était impossible de ne pas réagir aux propos de Geoffrey, pas alors qu'il ne faisait qu'augmenter les craintes de Manfred de ne pas être le bon.
— Parce que tu as beaucoup d'expériences, peut-être....
— Oui, des siècles, même si j'étais différent alors. A un moment, j'ai couché à droite à gauche et il y avait du plaisir, oui, mais pas cette harmonie. Ça, je ne l'ai jamais ressenti qu'avec mon âme-sœur. Manfred, même si tu ne te souviens pas de nous, fais-moi confiance, je t'en prie. La plupart des gens se passent du souvenir des liens qui se sont tissés entre eux à travers les siècles, car quand c'est la bonne personne, on finit toujours par le comprendre.
Manfred s'extirpa de son lit avec raideur, couleurs mouvantes, et vint près de lui.
— Oui, tu as raison. Peut-être que j'accorde trop d'importance a cette façon que tu as de me reconnaître d'habitude au premier coup d'œil.
Enfin, Manfred admettait que cela pouvait être lui, Kuma et tous les autres...

mercredi 17 mai 2017

A travers les millénaires - 51

Le baiser se prolongea jusqu'à les laisser pantelants et à nouveau emplis de désir. Manfred se mit à le caresser partout, tout inhibition envolée. Il n'y avait plus qu'eux au monde et cette faim désespérée qu'ils avaient l'un pour l'autre. Cela faisait tant d'années qu'ils ne s'étaient pas unis.
Jem suça les tétons de Manfred, glissa ses main sur ses fesses, engloutit son pénis. Avec lui, cela semblait juste et naturel.  Quand il le doigta, Manfred ne protesta pas et pas plus quand il lui lécha l'anus. Quand il ne pénétra, Manfred se contracta autour de lui, poussant des gémissements étouffées. Il devait avoir mordu l'oreiller ou enfoui sa tête dedans. Jem allait et venait en lui à un rythme de plus en en plus effréné. Dans sa main, le sexe de Manfred palpitait.
D'un instant à l'autre, il jouirait. Quand il sentit le sperme de Manfred lui maculer les doigts, Jem se retira et éjacula à l'extérieur par prévenance à l'égard de Manfred.
Ce dernier vint se blottir contre lui et Jem l'enlaça. Ils n'avaient plus besoin de mots et ils s'endormirent.

C'est la voix indignée d'une infirmière qui les réveilla. Plutôt qu'à une ombre, elle ressemblait à un tableau impressionniste, composée de tâches de couleurs.
— Veuillez regagner votre lit tout de suite.
— Je me suis trompée dans le noir, prétendit Jem.
— Oh, ça va, je ne suis pas née de la dernière pluie, râla l'infirmière. Vous pourriez penser un peu aux autres patients. Vous n'êtes pas seuls ici.
Ça, Jem l'avait oublié ou presque et à priori Manfred aussi. Les excuses que le brûlé débita d'une voix altérée en était la preuve. Ils étaient restés sous la couverture sous laquelle ils étouffaient à moitié tellement ils brûlaient de désir et avaient retenus leurs cris de plaisir, mais au fond, ils n'avaient pensé qu'à eux.
Jem ne fit pas d'histoire et regagna son lit avec une facilité nouvelle. Tout était terriblement flou, mais il voyait. Manfred n'était que des points de couleurs, mais plus pour longtemps. Il aurait bientôt la confirmation que c'était lui, car il ne pouvait en être autrement.
— Que je ne vous y reprenne plus, sinon, je me débrouillerai pour que vous soyez mis dans des salles différentes, les gronda encore la femme comme s'ils avaient été des enfants ayant commis une bêtise. 
Il y avait un côté cocasse, mais mieux valait se montrer repentant, même en ne regrettant rien.

mardi 16 mai 2017

A travers les millénaires - 50

Jem s'allongea contre Manfred qui émit une plainte.
— Je t'ai fait mal ?
— Ça va. Parfois, même le frottement du drap est douloureux.
Jem caressa très légèrement ce qui se révéla être un bras. Il remonta le long de ce dernier jusqu'au cou.
Manfred murmura quelque chose d'indistinct, retint sa main, puis finalement le laissa libre de tracer les contours de son visage.
Sa peau n'était pas lisse, l'arrête de son nez presque inexistante. Une image  de lui se forma dans la tête de Jem. Il redescendit, glissant sur son épaule, puis son torse.
C'était excitant de découvrir son corps dans ses moindres reliefs. Manfred dégageait une chaleur de plus en plus grande à mesure qu'il progressait dans son exploration. Par moment, il geignait.
Quand les doigts de Jem rencontrèrent son pénis, il ne fut pas surpris de le sentir dur. Le sien avait gonflé tout pareil et se pressait contre la cuisse de Manfred.
Il n'eut pas à lui demander de le toucher. Manfred le fit spontanément. Leurs mains fermées sur le membre de l'autre, ils exécutèrent le même ballet. La bouche de Jem chercha celle de Manfred et la trouva. Sa langue s'enroula autour de la sienne. C'était si bon, d'aimer enfin plutôt que de se souvenir.
Ils jouirent ensemble, en parfaite harmonie.
— Mon amour... chuchota Jem.
— Tu ne devrais pas m'appeler ainsi. Je ne suis pas forcément ton âme-sœur.
Jem ne se laissa pas décourager par ce refus de Manfred.
— Je suis persuadé que c'est toi, même si j'ai mis longtemps à le réaliser, trop habitué à voir avec mes yeux plutôt qu'avec mon cœur.
— Et si tu réalises que tu t'es trompé ? Tu vas me détester.
Jem le sentit trembler dans ses bras.
— Jamais. Tu ne profites pas de moi. Ce serait plutôt l'inverse. Promets-moi que tu ne demanderas plus de faveur à aucune infirmière.
— Je ne l'ai jamais fait...
— Mais alors, quand tu as dit à Geoffrey...
— L'une d'elle me l'a proposé, par pitié, parce que j'ai eu une réaction pendant qu'elle me nettoyait. Et j'ai refusé. Je suis stupide, hein ? Seulement, j'ai toujours pensé qu'il valait mieux être amoureux de la personne pour ce genre de truc.
Cette fois, c'était clair et sûr, Manfred éprouvait aussi de l'amour pour lui, autrement, il n'aurait pas accepté ses caresses.
Jem en aurait dansé de joie, mais il préféra l'embrasser à pleine bouche.

lundi 15 mai 2017

A travers les millénaires - 49

— Le moment viendra aussi pour moi de quitter l'hôpital et j'appréhende, même si les docteurs vont m'arranger du mieux qu'ils peuvent.
Soudain S,alomon fut là à confirmer qu'en effet, tout irait bien pour Manfred. Il s'occupa ensuite du bandeau de Jem dont la nuit se transforma en brouillard où les gens n'étant que des ombres mouvantes et les choses de vagues formes indistinctes. Le docteur agita en effet différents objets devant ses yeux sans que Jem ne parvienne à déterminer exactement quoi.
Salomon, après lui expliqué comment sa vision allait évoluer dans les jours qui venaient, s'excusa de ne pas avoir pu passer bavarder. Il s'attarda pour évoquer ses vies antérieures et les noms qu'il avait portés. C'est ainsi qu'ils découvrirent que leurs âmes étaient liées. Il avait été sa sœur et son frère à plus d'une reprise. Du temps où il s'appelait Tim, il l'avait aidé à faire accepter sa relation avec Dake auprès de leurs parents.
Après le départ du docteur, Manfred regretta de ne pas être en mesure de se souvenir lui aussi et que plus de gens ne possèdent pas cette mémoire. Il lui semblait qu'alors, plus sages de plusieurs siècles, les humains mettraient fin à la guerre.
Geoffrey ne se mêla heureusement pas à leur conversation, peut-être se sentait-il tout de même morveux de son attitude de la veille.
Jem avait de toute façon résolu de faire comme s'il n'était pas là. Ce qui lui importait à présent, c'était de persuader Manfred d'entamer une relation avec lui.
Il parla une grande partie de la journée avec lui, jusqu'à en avoir la gorge sèche, mais sans oser se montrer trop pressant.
Il attendit que la salle devienne silencieuse, qu'il n'y ait plus que les respirations plus ou moins fortes des autres patients présents dans la salle, puis il guetta le passage de l'infirmière de garde et quand les pas de cette dernière décrurent dans le lointain, il tourna le dos aux ronflements de Geoffrey et sortit de son lit, avança précautionneusement jusqu'à rencontrer celui de Manfred.
Il souleva un coin de sa couverture et Manfred remua.
— Hum...
— C'est moi, chuchota-t-il.
— Jem ?
— Je peux m'allonger avec toi ? Laisse-moi te toucher, c'est pour le moment toujours pour moi, la seule manière de voir.
Il y eut un silence, suivi d'un oui timide.

vendredi 12 mai 2017

A travers les millénaires - 48

— Qu'y-a-t-il ? L'aube pointe à peine.
Jem ne savait pas par où commencer pour avouer ses sentiments sans que Manfred puisse les mettre en doute.
— Geoffrey a raison sur le fait que je n'aurais pas dû me fait avoir aussi facilement, lança-t-il en guise de préambule.
— Mais non, c'est normal, tu avais envie d'y croire.
Jem le trouva adorable à être si compréhensif. Cela l'encouragea à poursuivre :
— J'aurais voulu que ce soit toi et pas lui qui vienne me retrouver dans la nuit.
— Je n'oserai jamais faire un truc pareil.
La question était de savoir si c'était parce que Jem n'était pas son genre ou si parce que ce n'était pas dans le caractère de Manfred faire ce genre de chose.
— Même si je t'y invite ?
Manfred ne répondit pas.
Jem reprit :
— Ce que je cherche à te dire, c'est que je suis amoureux de toi.
— Mais... Et ton âme-sœur ?
Sa voix hésitante trahissait le fait qu'il ne pensait pas pouvoir l'être.
— C'est toi, affirma Jem.
— Je croyais que tu avais besoin de voir pour savoir. C'est aujourd'hui qu'on te retire ton bandeau, non ?
— Oui, mais au début, ma vision ne sera que partielle, si j'ai bien suivi.
— Tu ferais mieux d'attendre. Tu ne m'as jamais vu. Je gagnerai haut la main à un concours de laideur.
Sans l'ombre d'un doute, son apparence de brûlé le gênait, même s'il s'efforçait de vivre au mieux avec.
— Et alors ? N'es-tu pas le premier à dire que les aveugles ont le droit aussi a une vie amoureuse ?
— Oui, et les monstres, aussi, confirma Manfred en soupirant.
— Le vrai problème, c'est tes sentiments à mon égard, dit Jem, puis il retint son souffle, dans l'expectative.
— Ton passé... Que tu te souviennes de tout, c'est génial. Vous avez de la chance le docteur Salomon et toi. C'est la preuve qu'il y autre chose que la guerre, la douleur et la mort. Et puis cet amour à travers les millénaires, je trouve cela très beau.
Ce n'était ni une déclaration ni un rejet. Jem aurait aimé pouvoir contempler les traits de son visage pour comprendre. Il devait hélas faire sans.
— Y-a-t-il un « mais » ?
— Il y a un risque assez élevé que je ne sois pas celui que tu espères. Nous devrions attendre.
— Je t'aime. Il n'y a pas besoin d'autres preuves. En plus, une fois que je serais complètement guéri, je ne pourrais plus rester ici.

jeudi 11 mai 2017

A travers les millénaires - 47

— Plutôt que d'abuser de Jem et de ses confidences, tu aurais mieux fait de t'adresser à une infirmière, elles sont gentilles et très compréhensives, chuchota Manfred.
— Elles acceptent de faire ce genre de choses ? demanda Geoffrey qui semblait ne pouvoir en croire ses oreilles.
— Certaines, oui.
L'idée de Manfred demandant cette faveur et se faisant sucer irrita Jem.
— Il n'empêche que s'il a vraiment une âme-sœur, il ne devrait pas se laisser tromper aussi facilement. Ce n'est pas de l'amour son truc.
Cette accusation de Geoffrey lui fit plus que mal que le coup qu'il lui avait donné et que la réalisation qu'il n'était pas son cher cœur. C'était vrai qu'aveugle, il avait accepté le premier venu...
Il ne protesta pas et le silence tomba entre eux.
— Reparlons de tout cela demain, suggéra Manfred tout bas.
— OK. Bonne nuit, marmonna Geoffrey.
Jem fut incapable de se rendormir après cela. Il écouta la respiration de Manfred ralentir et se faire régulière, puis Geoffrey se mettre à ronfler comme un bienheureux.
Il éprouvait cette envie absurde de rejoindre le grand brûlé dans son lit et de se justifier auprès de lui. Il ne savait pas exactement quoi lui dire, mais il voulait s'excuser de s'être montré aussi crédule. Il souhaitait aussi lui demander des précisions au sujet des infirmières, pas pour utiliser leurs services, non, mais plutôt pour lui proposer les siens... L'évidence lui apparut enfin : il aimait Manfred. Il était attiré par lui et sa personnalité rayonnante.  Il ne l'avait pas réalisé jusque là, trop obnubilé par la perspective de recouvrer la vue, sa seule manière d'identifier son âme-sœur. Mais quel besoin avait-il de ses yeux pour savoir une chose pareille ? Au tout début de leur histoire, des millénaires plus tôt, il était tombé amoureux de  Kuma tout simplement, sans souvenir de quoi que ce soit.
Il n'avait pas besoin d'attendre d'avoir recouvert la vue pour être sûr. Il lui suffisait d'écouter la voix de son cœur, la même qui lui avait indiqué que quelque chose clochait avec Geoffrey en dépit des affirmations de ce dernier.
Il finit par appeler doucement à voix basse le grand brûlé. Autour d'eux, le calme régnait encore. Il l'entendit remuer, puis bailler.

mercredi 10 mai 2017

A travers les millénaires - 46

Si cela avait été Manfred plutôt que Geoffrey qui était venu se coller à lui, cela n'aurait pas dérangé Jem. Il admirait le courage et l'optimisme du grand brûlé. Il l'appréciait énormément. Il aurait été content si cela avait été lui.
— Iol ?
A ce nom, Jem céda. Peut-être que Geoffrey était vraiment son âme-sœur... et s'il le repoussait maintenant, lui demandant d'attendre quelques jours, qu'il y voit clair, il risquerait de le blesser. Ce n'était que trop rare qu'il lui tombe dans les bras. Et puis que Geoffrey soit là alors qu'il avait déclaré ne pas être sûr de pouvoir être intime avec un autre homme, n'était-ce pas une preuve qu'il était bien celui qu'il disait ?
Jem descendit dans le lit et en tâtonnant, trouva le pénis de Geoffrey. Il écarta la blouse, l'unique vêtement que les malades portaient et le prit en bouche. Il entendit Geoffrey gémir. Doucement, il remonta le long de sa cuisse, jusqu'à sa fesse.
— Qu'est-ce que tu fais ? siffla Geoffrey.
Jem lâcha le membre palpitant où perlait déjà un peu de sperme.
— Je voulais te doigter pour que tu aies encore plus de plaisir.
— Contente-toi de me sucer.
— Pourquoi ? répliqua Jem, en poursuivant son geste.
Geoffrey, sans doute parce qu'il ne pouvait le repousser à deux mains, étant à moitié paralysé, lui fila un coup de genou qui l'atteignit à la mâchoire.
Jem encaissa doublement le coup.
— Tu ne te souviens pas de nous, tu n'es pas lui, marmonna-t-il.
— Je voulais juste que tu me tailles une pipe. Mais il a fallu que tu touches à mes fesses. C'est pas possible, ça.
Jem résista à l'envie de le jeter par terre. Il n'allait quand même pas s'en prendre à un paralysé. Ce n'était pas la peine de réveiller tous les patients de la pièce et de donner un surcroit de travail aux infirmières.
— Tout va bien, les gars ?
C'était Manfred.
Jem hésita entre confier la vérité – Geoffrey était un gros dégueulasse – et mentir pour le tranquilliser et qu'il se rendorme.
Geoffrey, tout en s'extirpant avec peine du lit, opta sans vergogne pour le mensonge. Il n'en était pas à un, près.
— Ouais. T'en fais pas, j'aidais Jem à retrouver son urinal qui avait glissé.
Jem préféra expliquer ce qui s'était vraiment passé, non sans que Geoffrey ne proteste que c'était sa faute avec ses conneries de vies antérieures, qu'il avait juste voulu blaguer.

mardi 9 mai 2017

A travers les millénaires - 45

Jem fut opéré sans que le docteur ne revienne lui payer visite.
Sous anesthésie, inconscient, il n'avait rien senti. Il avait cependant à présent un bandeau tout neuf sur les yeux qu'il devrait porter cinq jours durant. Mais après, normalement, il verrait à nouveau, même si de façon floue.
Comme il n'avait rien d'autre à faire et deux auditeurs à disposition, à défaut de celui avec qui il aurait aimé échanger, il parla beaucoup de ses vies antérieures, gardant bien sûr pour lui les détails intimes.
Manfred s'émerveillait là où Geoffrey était prompt à relever les aspects négatifs et douloureux de son passé. Il semblait toutefois lui accorder le bénéfice du doute quant à la véracité de ses propos.
A la veille de retirer le bandeau, le docteur Salomon n'était toujours pas repassé, sans doute trop occupé pour cela.
Dans la nuit, alors que Jem peinait à trouver le sommeil, il sentit soudain quelqu'un s'allonger lourdement sur son lit.
— Pas de panique, c'est moi, chuchota une voix que Jem identifia sans peine comme celle de Geoffrey.
— Qu'est-ce que tu veux ? murmura Jem.
— Je me suis souvenu. Je suis ton âme-sœur.
Le cœur de Jem fit un bond dans sa poitrine. Il avait envie d'y croire, mais un part de lui s'y refusait. Il s'était hélas montré trop bavard pour confondre Geoffrey facilement.
— Vraiment ? souffla-t-il.
— Oui, comme du temps où je m'appelais Dake. J'ai un de ses mal de crâne depuis que tu as commencé à raconter qui tu étais, ce que tu faisais...
Malgré cette affirmation de Geoffrey, Jem ne ressentait rien de spécial à sentir son corps appuyé contre le sien. Mais, en même temps, quelle raison ce dernier aurait-il eu de mentir ? C'eût été trop cruel de s'amuser ainsi à ses dépens.
Jem, se tournant précautionneusement, chercha à l'embrasser. Les lèvres de Geoffrey étaient sèches et chaudes. C'était plutôt agréable.
— Je ne pense pas qu'on puisse vraiment faire l'amour, pas entouré d'autant de monde, mais tu ne me ferais pas une fellation ?
La formulation interpella Jem. Elle était égoïste. Geoffrey ne se proposait pas de lui rendre la pareille.
Si seulement, il avait pu voir, il aurait su avec certitude...

lundi 8 mai 2017

A travers les millénaires - 44

— Comment vous appeliez-vous à la préhistoire ? demanda Jem.
— Vous plaisantez, doc ? lança Geoffrey, incrédule.
Avant que Salomon leur puisse répondre à l'un ou à l'autre, une infirmière l'appela au chevet d'un autre patient.
Frustré, Jem, au mépris de tout bon sens se précipita à sa suite. Hélas, dans le noir, il eut tôt fait de se cogner au montant d'un lit. Il entendit une exclamation étouffée. Manfred.
— Allez, ne t'en fais pas, le docteur va bientôt revenir.
Jem sentit quelque chose de doux et lisse lui effleurer la joue.
— Tu veux que je t'aide à regagner ta couche ?
Jem refusa. Il avait cru comprendre que la peau de Manfred lui tirait quand il se déplaçait et que c'était douloureux.
— C'est bon, guide-moi juste.
Manfred l'enjoignit à reculer de trois pas et lui confirma qu'il était arrivé au matelas. Jem, à tâtons, se rallongea, se sentant pitoyable d'être aller si peu loin.
Il n'eut cependant pas le temps de s'appesantir trop sur son sort ou de cogiter trop au sujet du docteur, car la voix de ce dernier ne tarda pas à retentir à nouveau, précédé de son pas saccadé.
— Désolé pour un peu plus tôt. Mon âme doit être plus jeune que la tienne, car mes premiers souvenirs remontent à l'époque des vikings. J'en étais un. Mon nom était Svein.
Même en étant déçu, Jem ne put s'empêcher de remarquer qu'il avait eu un frère appelé ainsi à la même période et que ce dernier l'avait aidé à s'enfuir avec Théodebert, leur évitant d'avoir leurs bijoux de famille coupés.
— Tu n'avais pas par hasard un frère prénommé Ulf et qui aurait abandonné son épouse pour un moine ? demanda Jem.
— Si. Et, c'était toi, alors...
— Oui.
Retrouver un de ses frères d'une ancienne vie était une belle consolation.
— Vous avez été heureux Théodebert et toi ?
— Jusqu'à la tempête qui a mis fin à nos jours.
— Ah... Je m'étais toujours demandé si tu n'avais pas eu des regrets d'abandonner Inga et la vie au village pour ce moinillon.
— Nous avons peut-être été liés dans d'autres vies aussi. Quels autres noms as-tu porté ?
— Je regrette, mais j'ai des malades à examiner. Je te promets que je reviendrai dès que possible.
Jem aurait voulu le retenir, mais il acquiesça.

vendredi 5 mai 2017

A travers les millénaires - 43

— Même en étant aveugle ? s'enquit Geoffrey, dubitatif.
— Cela ne m'était jamais arrivé, mais cela m'étonnerait que je puisse pour le coup, soupira Jem.
— Alors, quand tu recouvriras à la vue, tu vas peut-être découvrir que c'est quelqu'un de l'hôpital. C'est pratique, en tout cas, de savoir au premier coup d'œil que c'est la bonne personne, déclara Manfred.
Jem l'avait toujours pris pour acquis, mais il est vrai que c'était confortable, même s'il fallait tout recommencer à chaque fois.
— Et si c'est un homme, comme toi, cela ne te pose pas de problème ? demanda Geoffrey.
— Non, même si c'est un extraterrestre, cela me va.
— Moi, je ne pense pas que je pourrais avec un autre gars. Et les saturniens, végaliens et uraniens ne sont que des cibles à abattre, affirma Geoffrey.
— Homme, femme, autre... L'amour est aveugle, ce qui m'arrange, car cela me laisse une chance de rencontrer quelqu'un moi aussi, déclara Manfred.
— C'est pas gagné vu comme tu es salement amoché, commenta Geoffrey.
C'était moins de l'indélicatesse qu'un constat.
— Oui, pas la peine de me décrire de façon détaillée à Jem, autrement tu gâcherais toutes mes chances auprès de lui.
Geoffrey s'esclaffa avant de déclarer :
— Toujours le mot pour rire...
Jem se demanda dans quelle mesure le grand brûlé se forçait pour amuser la galerie.
— Grâce à Manfred, impossible de déprimer.
— Eh bien, ça fait plaisir de voir des malades aussi en forme, intervint une voix que Jem reconnut comme celle du docteur Salomon. Je viens annoncer que l'opération pour tes yeux aura lieu demain. Avec le docteur Lisa, tu seras entre de bonnes mains.
— Mieux vaut elle que vous, doc, avec votre  tremblote, lâcha Geoffrey.
Ce dernier n'était quand même pas très sensible à toujours appuyer là où ça faisait mal.
Salomon choisit de rire.
Geoffrey ajouta :
— Il faudrait peut-être aussi lui soigner le cerveau. Il prétend se souvenir de ses vies antérieures.
Jem l'aurait bien foudroyé du regard, s'il en avait eu le pouvoir. Hélas, ses yeux ne lui étaient vraiment d'aucune utilité à l'heure actuelle.
— Moi aussi, je me souviens des miennes depuis la bataille qui a mis fin à ma carrière de soldat, répondit tranquillement le docteur Salomon.
Le cœur de Jem se gonfla d'un irrépressible espoir.

jeudi 4 mai 2017

A travers les millénaires - 42

Manfred qui avait eu le droit à de nombreuses greffes de peau plaisantait en disant qu'il lui suffirait désormais d'apparaître sur le champ de bataille pour effrayer l'ennemi.
Geoffrey, lui, savait qu'il ne devait pas trop espérer recouvrer sa pleine mobilité un jour, même si les sciences médicales avaient fait de gros progrès depuis le siècle dernier. Il faut dire qu'il y avait des masses de corps à étudier et de patients à disposition pour tester de nouvelles méthodes. Il était interdit de refuser les opérations qui étaient proposées, même si elles étaient susceptibles d'échouer. Quant à l'hôpital, il avait l'obligation de tout mettre en œuvre pour que les hommes soient capables de retourner se battre jusqu'à ce que mort s'ensuive, dans la mesure où il disposait des ressources nécessaires et où le coût était raisonnable.
Manfred et Geoffrey racontaient volontiers à Jem ce qu'ils voyaient : l'état des leurs camarades d'infortune, les allées et venues des infirmières, de l'unique docteur masculin et de ses congénères de sexe féminin.
Le docteur Samuel était un ancien soldat, patient de l'hôpital qui s'était reconverti, faute de pouvoir retourner sur le terrain. Son corps était régulièrement agité de tremblements, ce qui lui donnait une allure singulière.
D'après Manfred, il était blond et très grand. Geoffrey le décrivait comme châtain et costaud. Leurs différences de descriptions de mêmes personnes ou scènes étaient parfois hilarantes. Manfred avait une vision plus optimiste du monde. Geoffrey était du genre plutôt négatif.
Comme les jours s'écoulaient dans une obscurité parfois angoissante, Jem se laissa aller à parler réincarnations.
— Tu es sûr que c'est seulement aux yeux que tu as été touché ? s'amusa Manfred.
— Tu devrais en parler au docteur, suggéra Geoffrey d'un ton inquiet.
— Je ne tiens pas être déplacé dans l'aile psychiatrique. J'ai entendu les infirmières parler des cris déchirants des patients qui y sont, répliqua Jem.
— Il existe une religion qui pense qu'on se réincarne, non ? Moi, je ne sais pas trop, mais pourquoi pas, après tout, dit Manfred.
— Même si c'était vrai, comment peux-tu affirmer te souvenir de toutes tes vies passées ? C'est bizarre, déclara Geoffrey.
Jem avait connu pires réactions. Il décida que malgré leur scepticisme, il pouvait continuer.
— Et encore, ce n'est pas le plus étrange. Je suis à même de reconnaître mon âme-sœur quelques que soient ses traits, précisa-t-il.

mercredi 3 mai 2017

A travers les millénaires - 41

Jem fêta trois anniversaires de plus. Combats, périodes de repos mâtinées d'entraînements et puis retour sur le champ de bataille. A chaque nouveaux venus, un espoir déçu. Trois permissions passées à arpenter la ville, dévisageant tous ceux qu'il croisait, en vain. Il envisageait toutes sortes de scénarios de retrouvailles, se jouait des films dans sa tête. Pourtant s'il avait bien appris quelque chose de toutes ses existences passées, c'est que la vie était imprévisible. Il rencontrait son âme-sœur toujours par surprise, quand il s'y attendait le moins. Cela pouvait être lors d'un pillage, dans une salle de classe, au cours d'un accrochage au volant...
Lors d'un combat, il fut gravement blessé aux yeux et atterrit dans un hôpital. Il était désormais plongé dans une nuit perpétuelle, ce qui signifiait que même s'il avait la chance de tomber sur son âme-sœur, il ne pourrait plus la reconnaître. Il n'avait jamais fait cela à l'oreille...
Cependant, il prit vite l'habitude d'écouter attentivement les voix des personnes qui l'entouraient, le docteur, les infirmières et aussi les patients autour de lui. Il y avait heureusement de bonnes chances qu'il recouvre la vue grâce à une greffe, mais il y avait toujours des risques de rejets et le processus de guérison ne serait pas immédiat.
Il était entouré de centaines d'hommes ayant besoin de lourds soins pour se remettre. Certains ne pourraient d'ailleurs jamais retourner se battre pour la sauvegarde de l'humanité, aucune opération n'étant en mesure de les guérir complètement.
Étendu à sa gauche, il y avait un jeune homme grièvement brûlé qui selon les murmures des infirmières était horrible à regarder. C'était d'ailleurs peut-être pour cela qu'il avait été mis à côté de Jem qui ne pouvait être gêné par son apparence. Allongé à sa droite, se trouvait un homme partiellement paralysé qui pouvait parler, mais pas tourner la tête, et mouvoir ses jambes, mais pas ses bras.
Les infirmières étaient trop peu nombreuses par rapport au nombre de patients sévèrement atteints.
Jem, dans l'attente de l'opération, n'avait rien à faire et aurait aimé se rendre utile, mais il n'y voyait goutte, alors pour passer le temps, il se mit à discuter avec les deux hommes les plus proches de son lit.

mardi 2 mai 2017

A travers les millénaires - 40

Quand il partit combattre, Jem était toujours perturbé. Depuis qu'il était devenu soldat, il avait toujours craint de mourir, mais savoir ce que cela faisait, à quel point on pouvait souffrir avant de rendre l'âme et qu'il renaîtrait et recommencerait tout à zéro donnait un éclairage différent à la chose.
Sur les champs de bataille, la distraction ne pardonnait pas,  et ce n'était pas seulement lui dont il mettait la vie en danger, mais aussi celles des autres membres de la troupe dont il faisait partie, alors il fit des efforts pour rester focalisé en dépit de tous les souvenirs qui le troublaient.
Il y eut une fois de plus de lourdes pertes dans leur camp et ceux de leurs adversaires. Jem ne récolta que des blessures légères qu'il soigna à l'aide de la trousse de secours d'urgence que chacun avait dans son paquetage.
A son retour à la base, il apprit qu'un contingent de nouvelles recrues était arrivé. Il se prit à imaginer que son âme-sœur était parmi elles et se demanda ce qu'il ferait alors, les soldats en devenir n'ayant que treize ans. C'était si jeune... En même temps, être en patient en temps de guerre, c'était prendre le risque de mourir sans jamais rien révéler de leur passé commun. Cependant, au Moyen-âge, il avait gardé au final le silence et avait quand même obtenu un peu d'amour de Gui... Peut-être avait-il tort de vouloir à toute force partager la mémoire de leurs vies passées ? Peut-être qu'il faudrait mieux à chaque fois le courtiser et le laisser retomber amoureux de lui ?
Jem poussa un long soupir. Toutes ses considérations ne servaient à rien tant qu'il ne l'avait pas retrouvé.
A la cantine, au dîner, il déambula longuement entre les tables, scrutant les nouveaux visages avec espoir, mais aucun n'était son bien-aimé. Il refoula sa déception, songeant que peut-être dans cette vie, il était une jeune fille sur le point d'accoucher ou bien déjà âgé et un pied dans la tombe... comme lui.
Il n'était même pas libre de partir à la recherche de celui qu'il aimait à travers les âges. Il se sentait prisonnier de cette guerre. Il se rappelait qu'il n'avait pas voulu y participer du temps où il s'appelait Waldo et des arguments de l'officier, mais dans sa tête, tournait le proverbe « faîtes l'amour pas la guerre. »
Les saturniens, les végaliens, et les uraniens n'étaient-ils pas dotés d'une âme eux aussi ? Hoshi avait été un saturnien fabriqué, mais il aurait très bien pu être un authentique. Dans ce cas, la fin de l'humanité ne signifiait pas le terme de leur existence. Il y avait hélas ces rumeurs d'une arme biologique et aussi d'une bombe susceptible d'éradiquer une espèce entière... mais avec quelles conséquences ? Il était préférable qu'elles ne soient pas vraies.

lundi 1 mai 2017

A travers les millénaires - 39

Quand il finit par trouver le sommeil, il fut peuplé de rêves étranges dans lesquels lui et ses camarades parvenaient à libérer des humains de compagnie élevés par des saturniens. Parmi eux, il y avait son âme-sœur qui portait de grandes oreilles toutes blanches et une petite queue ronde semblable à celle des lapins. Le collier rouge  à son cou tranchait sur sa peau pâle. Il respirait l'innocence et la naïveté.
La troupe à laquelle il appartenait ne savait pas quoi faire d'eux. Et puis, l'un d'entre eux suggérait qu'ils devaient êtres capables de remplacer des femmes. Ils devaient servir de cette façon à certains saturniens et en tant que soldats, ils n'avaient guère l'occasion de baiser. Ils n'avaient droit qu'à une seule permission par an et toutes les femmes étaient soit très âgées soit enceintes d'un autre de façon plus ou moins visible. Pour compenser les pertes sur le champ de batailles et que la courbe de mortalité ne soit pas largement supérieure à celle de la natalité, toutes les filles en âges avaient obligation de porter  l'enfant d'un inconnu. Contrairement à autrefois, elles n'avaient même plus à coucher, si bien qu'elles donnaient naissance à des bébés sans même avoir eu un rapport sexuel. Il n'y avait cependant pas de miracle divin là-dessous, mais des inséminations artificielles.
Jem s'interposait, ne voulant que son bien-aimé soit utilisé comme une poupée gonflable, mais ils étaient trop nombreux contre lui et tout ce qu'il obtenait, c'était d'être le premier à lui passer dessus. Or, il ne voulait pas abuser de lui. 

Se réveiller fut un soulagement. Durant la journée, il se montra distrait et tira à côté des cibles et se vit plaquer en deux temps trois mouvements durant les exercices de corps à corps. Même en période de repos, il fallait en effet s'entraîner pour rester alerte. Il essuya les moqueries avec une grimace.
Ses vies antérieures le hantait. Un monde en paix, c'était une douce utopie, et pourtant, c'était arrivé. Jusqu'à ce qu'il se souvienne, il ne s'était jamais posé de questions sur le bien fondé de cette guerre, mais à présent, il se rendait compte à quel point elle n'avait pas de sens.
Il y avait aussi toutes ses morts horribles et douloureuses. Mourir de vieillesse était si paisible en comparaison. Et, au milieu de tout cela, impossible d'oublier son âme-sœur. Elle lui manquait. C'était l'autre moitié de lui-même et cela faisait des années qu'il ne l'avait pas vu. Il ne saurait jamais à quoi elle avait pu ressembler ces dernières années. Survivrait-il suffisamment longtemps pour la rencontrer cette fois ? Il en doutait si fort que cela le déprimait. L'humanité courrait à sa perte en se bataillant contre trois espèces à la fois. Ce qui était incroyable, c'était de n'avoir toujours pas renoncé.