mercredi 5 juin 2013

Le garçon fée - 10

Rien ne lui plaisait  - pourquoi mauve plutôt que violet ? - jusqu'à ce que ses doigts se referment sur un bâtonnet un peu tordu d'un espèce de marron cuivré qui ne ressemblait à aucun autre.
Neyenje qui, pendant ce temps avait sélectionné un papillon de soie jaune pâle, haussa un sourcil étonné, sans discuter son choix. Il l'encouragea toutefois à prendre de quoi le décorer.
Zibulinion objecta qu'il ne savait pas comment procéder et même quand Neyenje lui dit que c'était facile et que c'était une des premières choses qui leur étaient apprises quand ils débarquaient à l'école, Zibulinion préféra ne rien prendre.  Il n'était pas très au fait de combien toutes ses perles, pierres et autres ornements coûtaient et surtout, n'entendait rien à cette histoire d'embellissement.
Neyenje tentait de lui en expliquer l'importance quand une fille à la peau porcelaine et aux yeux et cheveux d'un doré lumineux se précipita vers lui et déposa un baiser sur sa joue.
– Neyenje chéri ! Tu me manques trop ! Tu n'as pas daigné me téléphoner !  Je suis contente que les cours reprennent bientôt !
Neyenje lui adressa un beau sourire en guise de salut et Zibulinion, ne voulant pas déranger, décida qu'il était temps de passer à la caisse.
– Qui est cet épouvantail qui t'accompagne ? demanda alors la fée dorée.
– Un nouvel ami, j'espère, répondit Neyenje sans pour autant rectifier le qualificatif peu sympathique qu'avait attribuée la jeune fille à Zibulinion.
L'adolescent blessé, mais habitué à être moqué pour son apparence, se dépêcha de prendre congé. Neyenje ne chercha pas à le retenir, mais lui lança un joyeux « on se voit à la rentrée. »
A la caisse, la vendeuse offrit une ristourne à Zibulinion parce qu'il avait choisi un très vieux modèle qui était un peu abîmé. Cette réduction réjouit l'adolescent, car sa mère avait râlé à la librairie sur les nombreuses dépenses que lui occasionnait l'entrée de Zibulinion à l'école des fées. 
A la sortie de la boulangerie, l'adolescent prit la route de l'appartement. Il dut marcher longtemps avant d'arriver à bon port et à peine eut-il posé la main sur la poignée qu'un message apparut dans un nuage de poudre fuchsia et tomba sur le paillasson.
Zibulinion le ramassa et le lut : « Tania a invité des amies. M'a demandé de te prévenir de ne pas rentrer avant 20 heures. »
L'adolescent redescendit les escaliers pour gagner le petit square qui se trouvait non loin de l'immeuble, regrettant de ne pas avoir été informé avant. Il aurait gardé un livre avec lui. Au lieu de ça, il n'avait que sa baguette dont il ne savait pas quoi faire au juste. Une fois installé sur un banc, il la sortit du sac et la contempla. Il s'était passé beaucoup de choses aujourd'hui. Il avait découvert les magasins féériques, rencontré trois garçons fées comme lui... Exceptés qu'ils étaient tous plus beaux les uns que les autres. Ils étaient tous les trois un brin sans gêne, et tous les trois sincèrement contents qu'un nouveau garçon rejoigne l'école... Côté filles, la remarque de la jeune fée aux cheveux et yeux dorés laissaient présager un accueil plutôt froid.

mardi 4 juin 2013

Le garçon fée - 9

C'était un jeune homme aux cheveux d'un blond presque blanc, aux yeux d'un doux bleu pastel, et aux ailes transparentes, vêtu d'une chemise crème et d'un pantalon beige.
– De quel pays tu débarques ? Je ne t'ai jamais vu dans notre école.
Zibulinion eut un sentiment de déjà-vu. Tous les garçons fées allaient-ils l'aborder ainsi ? Il répondit simplement qu'il allait y entrer en première année.
– Intéressant... commenta le beau jeune homme. Tu viens acquérir ta première baguette, alors ?
Zibulinion hocha la tête et l'autre continua :
– Mais j'oublie de me présenter. Moi, c'est Neyenje. Je suis en 11ème année.  Je suis venu acheter un ornement supplémentaire pour mon bébé.
Là-dessus, Neyenje agita un bâtonnet translucide à l'intérieur duquel flottait des paillettes saphir et de minuscules étoiles bleutées. Le « bébé » comprit Zibulinion.
Neyenje attrapa familièrement l'adolescent par  le bras et, poussant quelques fées au passage, l'entraîna en direction d'une table recouverte de bacs pleins de bâtonnets, la base de toute baguette magique.
Les regards s'accrochaient à eux, inquisiteurs. Zibulinion en conçut une telle gêne qu'il ne put s'empêcher de l'exprimer à mi-voix :
– Je donnerais cher pour être invisible.
– C'est au programme des 12ème année, l'informa Neyenje. Pourquoi es-tu pressé d'apprendre cela ? ajouta-t-il.
Zibulinion ne put répondre que c'était parce qu'il était laid pour un fée et que cela le gênait d'attirer l'attention pour cette raison. Il bafouilla et Neyenge reprit :
– Tu n'aimes pas être le point de mire des regards ? A l'école, avec environ un garçon pour dix filles, tu vas devoir t'y habituer. Perso, j'adore. Niveau petites amies, j'ai l'embarras du choix.
Évidemment, beau comme il l'était, c'était l'admiration qu'il suscitait sur son passage, contrairement à Zibulinion qui provoquait au mieux de la curiosité, au pire du dégoût.
– Je doute plaire à quiconque, marmonna Zibulinion, en se mettant à fouiller un bac pour se donner contenance.
– Même toi, tu pourras avoir du succès.  Tu es un mec avec tout ce qu'il faut où il faut... répliqua Neyenje, ses yeux bleu pastel s'attardant un instant sur l'entrejambe de Zibulinion qui se sentit rougir jusqu'aux oreilles.
L'adolescent n'était pas convaincu, mais il ne contredit pas Neyenje. Il continua plutôt à chercher avec ardeur dans les bacs la baguette de ses rêves.

lundi 3 juin 2013

Le garçon fée - 8

La fée aux cheveux roux se présenta sous le doux nom de Méliziande avant d'introduire ses fils ; Zurmmiel avait sept ans, Folebiol, quinze comme Zibulinion qui déclina à son tour son identité et son âge. Méliziande expliqua qu'ils étaient venus chercher le matériel de Zurmmiel qui allait faire sa première rentrée, le programme ayant hélas changé depuis l'époque de Folebiol. Zibulinion raconta qu'il revenait de la boutique de vêtements sans révéler les honteuses difficultés auxquelles il avait dû faire face et précisa qu'une fois son tour à la librairie achevé, il lui resterait encore sa baguette à acheter. Méliziande suggéra qu'ils y aillent tous ensemble puisque eux aussi devaient s'y rendre mais Zubilinion, malgré son envie de faire plus ample connaissance avec la petite famille, refusa. Il était venu avec sa mère et sa soeur, et devait les rejoindre. Il les quitta donc, non sans que Méliziande l'ait invité à venir goûter chez eux le lendemain, chose que Zibulinion accepta devant l'insistance de Zurmmiel.
Sa mère, à qui il rapporta la rencontre, sut de suite qui était la fée aux cheveux fauves. Il n'y avait pas trente six fée dans cette région du monde qui avait eu deux fils. Elle la plaignit, et autorisa Zibulinion à se rendre chez Méliziande pourvu qu'il ne mentionne surtout pas de qui il était le fils.
Puis, comme elle n'avait rien à faire à la boutique vendant des baguettes avec Rozélita, elle se contenta de déposer Zibulinion devant, lui laissant de quoi payer, avant de repartir en trombe.
Bien qu'il ait dû se débrouiller seul jusque là avec sa liste, l'adolescent se sentit franchement abandonné. A première vue, ce n'était qu'une simple boulangerie aux doux nom de « Rêves de baguettes » avec une devanture pleine de viennoiseries et pâtisseries mettant l'eau à la bouche. Il poussa la porte avec hésitation et la cloche tinta.
La femme d'une quarantaine d'années d'une grande beauté qui se tenait au comptoir était en train de servir un vieux monsieur. Zibulinion attendit son tour en triturant la cordelettes de la bourse en soie que lui avait confié sa mère.
Dès le vieux bonhomme eut payé sa baguette de pain, la dame annonça à l'adolescent que son gâteau était arrivé et qu'il pouvait le récupérer en arrière-boutique, alors même que Zibulinion n'avait pas ouvert la bourse. Un peu décontenancé, l'adolescent passa derrière le comptoir comme l'y enjoignait la femme, puis poussa la porte qu'elle lui indiquait. Dans la boutique de vêtements comme dans la librairie, cela ne s'était pas passé ainsi, et il se demandait pourquoi.
La pièce dans laquelle il entra, était noire de monde. Cela grouillait comme dans une fourmilière et bourdonnait comme dans une ruche. Des dizaines de fées allaient et venaient en discutant au milieu d'élégantes tables dorées recouvertes de bacs en verre qui contenaient des baguettes, des tiges, des paillettes, des étoiles, des papillons, des rubans et des perles de toutes les couleurs.
Zibulinion qui n'aimait guère la foule, résista à l'envie de tourner les talons. Toutes les fées du quartier semblaient s'être données rendez-vous là, ce qui laissait à penser que les magasins de baguettes magiques n'étaient pas nombreux.
– Hé, toi ! lança une voix de baryton dans le dos de Zibulinion, en même temps qu'une main se posait sur l'épaule de l'adolescent qui sursauta et jeta un coup d'œil en arrière.